Mise en cause pour avoir financé des groupes armés, dont l'EI, dans le but de maintenir son activité en Syrie pendant la guerre, la société Lafarge - qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim - a été mise en examen jeudi en tant que personne morale. Les magistrats ont retenu contre le cimentier les infractions de «violation d'un embargo», «financement d'une entreprise terroriste», «mise en danger de la vie d'autrui» et, pour la première fois dans la procédure, la «complicité de crimes contre l'humanité». Les avocats de la multinationale, placée sous contrôle judiciaire avec une caution de 30 millions d'euros, ont annoncé leur intention de faire appel car ils estiment que «cette mise en examen ne reflète pas équitablement les responsabilités de Lafarge SA».
Marie-Laure Guislain, de l'ONG Sherpa, explique pourquoi l'élargissement des poursuites au chef de complicité de crimes contre l'humanité a été demandé : «La première étape a été de démontrer que les actes de l'EI constituent des crimes contre l'humanité. On s'est notamment appuyé sur une résolution du Parlement européen de mars 2018. Ensuite, la procédure a permis d'établir un certain nombre d'actes positifs de complicité. Par exemple, le fait que Lafarge maintienne son activité alors que toutes les autres grandes sociétés sont parties. Ou encore que les salariés soient forcés d'aller à l'usine et qu'il n'y avait pas de plan d'évacuation prêt. Et surtout les nombreuses sources de financement des groupes armés, à hauteur de millions d'euros. Sans les armes de pointe qu'il possédait, l'EI n'aurait pas eu sa force de frappe, en Syrie, en France ou dans le monde. Et c'est notamment grâce au business des matières premières qu'il s'est constitué une fortune. La note juridique rappelait que pour caractériser l'élément intentionnel, il ne s'agit pas d'établir une complicité idéologique mais qu'il suffit que la société ait eu conscience de contribuer à la commission de ces crimes.»