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Accusé de violence lors d'une action étudiante, un sociologue «mis au ban» de l’université de Nantes

Un enseignant a été suspendu de ses fonctions accusé d'avoir participé à un «charivari» contre la loi ORE. Il dément toute violence.
(Illustration Emilie Coquard)
publié le 2 juillet 2018 à 20h02

Gildas Loirand est «complètement détruit». Le sociologue est assigné ce mardi en commission de discipline par son employeur, l'université de Nantes (Loire-Atlantique). Elle l'a d'ores et déjà suspendu de ses fonctions jusqu'au 1er octobre, et lui a interdit d'entrer en contact avec ses «victimes». Le président de la Société de sociologie du sport de langue française (3SLF) – une société savante qui édite la revue Sciences sociales et Sport – est en effet accusé d'avoir été «le Daniel Cohn-Bendit du 18 mai 2018», ironise son avocat.

«Bousculés physiquement»

Ce jour-là, des étudiants avaient organisé un «charivari» contre la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants), qui modifie les conditions d'accès à l'université. Sept personnels administratifs avaient alors été «insultés», «menacés» et «bousculés physiquement», selon Olivier Laboux, le président de l'université de Nantes. Ce dernier avait donné par la suite une conférence de presse, où il critiquait les agissements de «plusieurs dizaines d'étudiants et deux enseignants». Se sentant nommément visé, Gildas Loirand s'était donc défendu avec véhémence sur une mailing-list interne à l'université : s'il reconnaît avoir bien été présent lors de ce «charivari», il assure ne s'être jamais livré à de quelconques violences ou menaces.

Après «vingt et un ans de carrière sans interruption et sans incident», le sociologue a été «mis au ban du monde universitaire par une décision unilatérale» de la présidence, fustige son avocat. Une «mesure éminemment grave», d'une forte «portée symbolique», qu'il contestait ce lundi devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes. «Elle porte atteinte à la continuité de l'enseignement : trois de ses étudiants, qu'il encadre et dont il est le référent intellectuel, vont soutenir leur thèse en fin d'année, rappelle son avocat Me Pierre Huriet. L'université dit qu'il a tenu un rôle qui contreviendrait à ses obligations de fonctionnaire, mais elle trouve en réalité choquant qu'il ait été du côté des étudiants.» Le maître de conférences a d'ailleurs annoncé à l'audience son intention de porter plainte pour «diffamation» contre le président de l'université et «dénonciation calomnieuse» contre les sept agents qui l'ont désigné.

«Fort de café»

De son côté, la représentante de l'université a rappelé que les sept agents molestés avaient désormais «la crainte de venir au travail», l'une des fonctionnaires se disant même «traumatisée». «En suspendant Monsieur, il ne s'agissait pas de dire qui est fautif dans l'histoire – ce sera le rôle de la commission de discipline – mais de protéger les victimes.» Un argument «un peu fort de café» pour l'avocat du sociologue. «S'il n'y avait pas eu la conférence de presse du président, tout cela ne serait jamais arrivé», grince Me Pierre Huriet.

Contactée ce lundi, la présidence de l’université de Nantes ne souhaite pas faire de commentaires avant l’ordonnance de la juge des référés, qui sera rendue sous huitaine.