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Patronat

Au Medef, une guerre des boutons de manchette

Le futur patron des patrons doit être élu ce mardi par 556 grands électeurs. D’un côté, le «moderniste» Geoffroy Roux de Bézieux, de l’autre, Alexandre Saubot, soutenu par la métallurgie. Si leurs personnalités divergent, leurs programmes sont similaires et la certitude de la victoire les unit.

Le candidat à la présidence du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux (second plan), au Conseil économique et social, le 31 mai. (Photo Denis Allard)
Publié le 02/07/2018 à 19h46

«Ça va se jouer dans un mouchoir de poche, le Medef sera demain soit dirigé de manière consensuelle et un peu molle par Geoffroy Roux de Bézieux, soit de manière plus énergique et unilatérale avec Alexandre Saubot. Pour le reste, les choses ne pourront bouger qu’à la marge. Avec Macron à l’Elysée, notre pouvoir d’influence s’est paradoxalement réduit.»

A vingt-quatre heures du vote des 556 grands électeurs de l'assemblée générale du Medef qui doit désigner ce mardi, par voie électronique, le successeur de Pierre Gattaz à la tête du principal syndicat patronal français, ce pronostic très ouvert d'un de ses anciens dirigeants traduit bien la drôle de campagne à laquelle on vient d'assister. En l'absence de divergences sur le fond, c'est plus sur le parcours et la personnalité des deux candidats que se fera la différence, peut-être à seulement quelques voix près. Longtemps grandissime favori, le camp de Geoffroy Roux de Bézieux, «GRB» pour les intimes, qui a ravi le match - purement consultatif - du scrutin au conseil exécutif par 22 voix contre 16 à son adversaire, se dit sûr de l'emporter. Panachage du vote des 170 grands électeurs issus des 122 Medef territoriaux et des 360 votants représentant les 79 fédérations professionnelles affiliées au Medef, plus quelques «personnalités qualifiées»,le résultat est d'autant plus incertain que certaines instances n'ont pas pris officiellement position.

Chez les soutiens de GRB, on estime à 140 le nombre de ces votants mystères et on s'étonne des calculs du camp adverse qui croit pouvoir compter sur 310 voix. «On ne rentre pas dans ce petit jeu, dit-on dans l'entourage de GRB, patron de Notus, un groupe spécialisé dans la gastronomie haut de gamme, c'est juste une manière de mettre la pression sur les indécis.» Ce qui n'empêche pas l'équipe GRB, épaulée par Publicis Consultants - le concurrent Havas conseille Alexandre Saubot -, de parier «raisonnablement sur une vingtaine de voix d'écart».

Sur le papier, et en se fondant sur les votes plus ou moins déclarés, GRB est en tête dans les antennes territoriales qu'il laboure depuis des années. Alexandre Saubot, ex-président de la puissante Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) - la première fédération en raison de son poids dans les cotisations avec 34 grands électeurs - est donné, lui, gagnant dans les fédés de fonderie : deux tiers d'entre elles l'ont rallié. Se présentant comme un «patron de terrain» à la tête de sa grosse PME de nacelles de chantier Haulotte depuis 2004, ce dernier s'est engagé sur un doublement des embauches d'apprentis sur les cinq années de la prochaine mandature de présidence du Medef. «Sa constance et son expérience d'ancien négociateur social de l'organisation, qui a su faire reculer le gouvernement sur le compte pénibilité et négocié un accord sur l'assurance chômage, faisant économiser un milliard d'euros à l'Unédic, plaident pour lui, distillent ses proches. Cinquante-cinq patrons parmi lesquels ceux de Veolia, BNP Paribas ou encore Adecco dans l'intérim viennent d'ailleurs de lui apporter publiquement leur soutien.»

Air du temps

Homme de coups sachant flairer les bons investissements, GRB, pour lequel la génération montante de la «French Tech» a pris fait et cause, préfère, lui, insister sur la transformation numérique des entreprises. Durant sa campagne il a aussi surfé sur des thématiques plus sociétales et dans l'air du temps : responsabilité sociale et environnementale de l'entreprise, ou encore égalité hommes-femmes. Serait-ce donc le combat des anciens contre les modernes ? «C'est plus compliqué, note un soutien de GRB, mais, au vu des remontées du terrain, il incarne quelque chose de plus ouvert et a marqué des points en se présentant plus comme un porte-parole au service des adhérents que comme un homme de pouvoir.» Pour l'emporter, le futur patron du Medef devra réunir 279 voix sur son nom. Un des grands électeurs l'affirme : «En cas de résultat très serré, c'est presque le hasard qui risque de décider.»