Ils veulent sauver le soldat Hulot, même malgré lui. Emmanuel Macron et Edouard Philippe souhaitent conserver auprès d’eux le populaire ministre de la Transition écologique, condition de l’équilibre politique du gouvernement. Mais les deux têtes de l’exécutif doivent composer avec les fragilités de l’ex-animateur, auquel ils s’efforcent de démontrer leur attachement. Le Premier ministre l’a ainsi invité à participer à son exercice hebdomadaire de questions-réponses, lundi soir sur Facebook.
«Nicolas Hulot a ma confiance et nous avons besoin de son engagement parce que c'est un convaincu. Il a l'insatisfaction des convaincus et des militants, et c'est normal», déclarait de son côté le chef de l'Etat, en marge de sa visite du château de Ferney-Voltaire, le 31 mai. Macron avait réaffirmé, ce jour-là, son intention d'avancer «avec la même équipe gouvernementale, avec des femmes et des hommes qui veulent changer des choses dans le réel».
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Précision utile : alors qu’abnégation et esprit de corps sont attendus des ministres, Hulot n’hésite pas, lui, à évoquer régulièrement son possible départ du gouvernement, à l’issue d’un bilan de son action qu’il dit vouloir mener cet été. Ces déclarations agacent certains de ses collègues, forcés à d’embarrassants dégagements dans les médias. Mais il semble y avoir une exception Hulot au sein du gouvernement en matière de liberté de parole.
Affecté
Dans d'autres ministères, on évoque aussi une fâcheuse tendance à mordre sur les compétences d'autrui et à s'affranchir du devoir de collégialité. Dernier exemple : la proposition de loi sur l'interdiction du glyphosate, présentée par un député proche de Hulot, Matthieu Orphelin, a été perçue par certains comme une remise en cause d'un arbitrage rendu à Matignon. «On se demande souvent quel coup ils vont encore nous faire», confie une source gouvernementale, très remontée contre un cabinet Hulot peuplé de «militants» qui pratiquent «les méthodes des ONG».
Perpétuel insatisfait, l'écologiste a mal vécu certains arbitrages perdus, notamment face au ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert. Il a en outre été très affecté par les accusations d'agression sexuelle relayées, début 2018, par le magazine Ebdo, dans une enquête à la méthodologie contestée. Une affaire qui l'a «encore plus touché que les arbitrages», selon une députée LREM. «Il y a un sujet personnel, c'est sûr qu'il est fragile», admet-on dans l'entourage de Philippe. Où l'on reconnaît aussi que ses déchirements intimes ont pu affecter son travail : «A certains moments, il n'est plus vraiment là, il disparaît.» Mais, affirme-t-on, «le Président comme le Premier ministre tiennent à ce qu'il reste au gouvernement», et s'efforcent de «le soutenir par les mots».
Populaire
L'effacement de Hulot est d'autant plus problématique qu'il est censé démontrer la diversité politique d'un exécutif accusé d'avoir sacrifié toute ambition sociale. «On a moins un problème de programme que d'incarnation, juge un ministre. L'incarnation de droite, elle est évidente avec des gens comme Bruno Le Maire et Gérald Darmanin. L'incarnation de gauche, c'est plus délicat : ce devrait être Hulot, mais il est affaibli.»
Le journaliste engagé et casse-cou d'Ushuaïa, l'un des rares ministres déjà connus lors de son entrée en fonction, n'en reste pas moins l'un des plus populaires : le dernier tableau de bord de l'Ifop lui accorde 62 % de bonnes opinions, et 66 % chez les sympathisants de gauche. Un capital sans égal au sein de l'exécutif, où les ministres Agnès Buzyn (Solidarités et Santé) et Françoise Nyssen (Culture), entre autres, échouent pour l'instant à incarner cette sensibilité. Difficile de laisser partir l'indispensable M. Hulot. «Son départ signifierait que nous ne sommes pas à la hauteur de nos engagements», reconnaît une députée LREM. Qui redoute ce possible futur de la majorité : «Nous partîmes avec Bayrou et Hulot, nous arrivâmes avec Castaner et Griveaux.»