Le chiffre symbolise à lui seul la crise de vocation frappant la police judiciaire, et plus spécifiquement l'investigation : en 2017, environ 2 600 officiers de police judiciaire ont rendu leur accréditation en raison de la charge procédurale qui en découle. L'information a été dévoilée par le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, devant la commission d'enquête sénatoriale sur l'état de la sécurité intérieure, dont les conclusions ont été rendues publiques mardi. «Jadis valorisante et source d'enrichissement professionnel, la qualification d'officier de police judiciaire est devenue un véritable repoussoir», déplorent les rapporteurs. Au point que le «risque de pénurie» fait désormais l'objet d'une «vive inquiétude» au sein de l'institution. Si le rapport insiste sur les conditions de travail difficiles et les moyens insuffisants dont disposent les forces de l'ordre dans un contexte de menace terroriste accrue, il consacre une large part à la procédure pénale, dont la lourdeur «a pris des proportions inédites». «Complexe et empreinte de trop nombreux formalismes», cette procédure serait même considérée comme une des principales sources de difficulté rapportées par les enquêteurs pour justifier le malaise. «L'accumulation des réformes législatives, notamment sous l'influence de l'UE, est à l'origine d'une stratification et d'une complexification du code de procédure pénale», dit le rapport. Une inflation qui s'explique aussi par l'amélioration des droits de la défense, avec la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue.
Policiers et gendarmes s'inquiètent de l'augmentation du temps consacré à la rédaction des procédures «qui nuit à la présence de policiers sur le terrain tout en réduisant le temps consacré à l'investigation». Selon les agents affectés à la sécurité publique au commissariat de Bordeaux, la durée moyenne des procédures serait passée de 22 à 28 heures en quelques années. Autre exemple : sur les 60 minutes consacrées en moyenne au traitement du vol à l'étalage, 45 sont dédiées à la procédure, et 15 à l'intervention sur le terrain. En moyenne, jusqu'à deux tiers du temps de travail serait consacré à la procédure pour les agents de la sécurité publique, et jusqu'à 5/6e pour les officiers de police judiciaire. Ce caractère chronophage accroîtrait en outre la vulnérabilité des procédures et l'insécurité juridique des agents, en augmentant le risque d'erreur de procédure. A l'arrivée, déplorent les sénateurs, «cette baisse d'attractivité [pour la PJ] nuit à la capacité d'enquête et au taux d'élucidation des affaires».