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Libération
Immigration

Mobilisation autour d'un couple de vignerons japonais menacés d'expulsion

La préfecture des Pyrénées-Orientales estime que leur activité n'est pas viable, et ne leur délivre donc pas de carte de séjour. Leur avocat souligne qu'il est trop tôt pour le dire, et que leur avenir est prometteur.
Des vignes dans les Pyrénées-Orientales, en novembre 2017. (Photo Raymond Roig. AFP)
publié le 3 juillet 2018 à 15h13

L'affaire circule à grande vitesse sur Twitter, tant elle incarne pour certains les incohérences de l'administration française. Un couple de vignerons japonais installé depuis 2016 à Banyuls-sur-mer, dans les Pyrénées-Orientales, s'est vu notifier en avril une obligation de quitter le territoire (OQTF) car leur activité n'est pas considérée comme viable par la préfecture, selon leur avocat, Me Jean Codognès.

«L'étranger qui demande une carte de séjour temporaire pour exercer une activité commerciale, industrielle ou artisanale doit justifier d'une activité viable sur le plan économique», lit-on sur le site service-public.fr.

«Ce serait une grande perte»

Certes, le couple n'a produit, qu'une seule cuvée, celle de 2017. Mais cette dernière «a été commercialisée» et «a été une réussite», selon l'avocat, qui affirme que «des restaurants célèbres comme Can Roca à Gérone (Espagne), qualifié régulièrement de meilleur restaurant du monde, mais aussi Le Verre Volé à Paris, ont été conquis». «Leur seul millésime a obtenu un vrai succès. Qualité de raisin, choix pertinent de la date de vendanges, précision et perfectionnisme typiquement japonais dans la vinification. Ce serait vraiment une grande perte pour nous, collectivement, de les voir partir», a commenté dans le quotidien L'Indépendant Jean L'Héritier, organisateur du salon des vins nature à Perpignan.

Rie Shoji, 42 ans, et Hirofumi Shoji, 38 ans, sont arrivés en France en 2011 avec dans l’idée de s’installer comme vignerons. Mais ils n’ont pas acheté immédiatement les 3,5 hectares du vignoble «Pedres Blanques» pour 150 000 euros grâce à 100 000 euros de fonds propres complétés par un prêt bancaire de 50 000 euros. Auparavant, ils ont voulu compléter leur formation : ils ont travaillé comme ouvriers agricoles ou cavistes dans le Bordelais ou en Bourgogne. Ils ont également passé à Dijon les diplômes de responsable d’exploitation agricole et de technicienne en œnologie. En 2016, ils se sont lancés, avec l’idée de lancer un vin nature, biologique, dans un secteur géographique où tout se fait à la main.

Pétition

La deuxième cuvée se présente sous les meilleurs auspices. «75% sont déja réservés», assure leur avocat, soulignant qu'en raison de sa nationalité, le couple ne «bénéficie d'aucune aide». Un recours contre leur OQTF a été déposé et sera étudié le 6 septembre par le tribunal administratif de Montpellier.

En attendant, leur cas, qui émeut de nombreuses personnes et fait l'objet d'une pétition ayant récolté 29 000 signatures, est aussi exploité par des libéraux qui dénoncent «notre bureaucratie», ainsi que des représentants d'extrême droite qui citent ce couple en exemple pour mieux ressasser leur discours contre les «profiteurs d'allocations» (qui n'ont rien à voir avec cette affaire).