Farouk est un peu déçu. «Je suis choqué, c'est pas Manuel Valls ? Mais c'est quoi son nom, alors ?» Son nom, c'est Gérard Collomb. Comme ses prédécesseurs avant lui, le ministre de l'Intérieur s'est offert, jeudi midi, une virée dans la cité de la Castellane, dans le nord de Marseille. Un lieu emblématique, régulièrement ciblé pour ses réseaux de drogues florissant, et surtout un décor parfait pour faire la promotion de la toute nouvelle police de sécurité du quotidien et rappeler l'action de l'Etat en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants.
En début de matinée, les équipes locales ont justement présenté au ministre les résultats de leur dernière opération menée sur place, le 18 juin. Une grosse descente clôturant un an d'enquête, engageant 250 hommes. Bilan : 200 kilos de cannabis, 30 000 euros, neuf armes et une vingtaine d'interpellations. En guise de trophée, les policiers marseillais ont même montré au ministre le panneau qu'avaient accroché les dealers près de leur point de vente, où on pouvait lire les différents produits proposés avec leur tarif, et même une petite mention «Bonne fumette les amis, à bientôt». «On se serait cru dans un supermarché, cela ne pouvait pas continuer», a commenté Gérard Collomb, qui a qualifié l'opération de «spectaculaire» avant de vanter le «modèle» marseillais en matière de coopération policière pour lutter contre les trafics. «Nous nous en inspirerons pour le grand plan stupéfiants que le président de la République souhaite annoncer dans quelque temps», a-t-il aussi promis.
Terrain balisé
Coopération entre services, mise en place de conseils de sécurité dans chaque arrondissement, renforts d'effectifs en septembre dans les deux quartiers marseillais ciblés «reconquête républicaine»… C'est une police proche des problématiques du quotidien et de ses habitants que le ministre de l'Intérieur est venu vanter sur le terrain. Un terrain entièrement balisé avant son arrivée : les classiques barrières de fortune installées par les trafiquants à l'entrée de la cité ont été évacuées et, en lieu et place des guetteurs, des policiers en uniforme avaient été positionnés un peu partout dans les bâtiments et les allées pour encadrer la visite. «Ils sont là depuis 7h30 ce matin», souffle une habitante qui s'est réfugiée dans un snack. Pas question pour elle d'assister à ce «cinéma» : «Ils sont déjà venus il y a quatre ans, ça ne change rien, balaye la jeune femme. Dès qu'ils seront partis, tout va recommencer. Qu'ils nous donnent plutôt du travail !»
«A part la police, on voit rien»
Au fil de son parcours, le sujet reviendra souvent sur la table. Lutter contre le trafic, d'accord, mais que fait l'Etat pour les 8 000 habitants de la Castellane, qui désespèrent de voir aboutir la rénovation du quartier et qui demandent surtout des équipements, du travail, de l'attention ? Face aux résidents qui l'interpellent, Gérard Collomb garde le sourire, serre les mains et la joue optimiste : la France est «plutôt dans une phase où il y a des créations d'emploi», renvoie le ministre à un jeune qui lui pose la question. Un peu plus loin, un père de famille remet ça. «Depuis douze mois, on a créé 340 000 emplois, renchérit le visiteur. Donc aujourd'hui, y a du boulot, quoi ! Si vous voulez, vous m'envoyez votre curriculum et demain je vous trouve un emploi.»
Pas de quoi convaincre Farouk. «Dans ce quartier, à part la police, on ne voit rien», évacue le jeune homme. Assis à la sortie de la cité, il attend tout de même le passage du cortège avec ses copains. Eux aussi veulent parler emploi et développement d'activités sur le quartier. Gérard Collomb fera un détour pour venir les saluer et leur offrir quelques selfies. Suffisant pour qu'ils retiennent son nom ?