A Nantes, après la mort mardi d'Aboubakar F. (22 ans) lors d'un contrôle de police dans le quartier du Breil, et malgré les appels au calme lancés par la famille de la victime comme par les autorités, la flambée de violences urbaines ne retombe pas. Vendredi, au lendemain d'une marche blanche qui a rassemblé près d'un millier de personnes, la présidente (LR) de la région Pays-de-la-Loire est venue au lycée professionnel Léonard-de-Vinci constater les dégâts de la nuit précédente: sa façade a été noircie par l'incendie d'un véhicule à l'intérieur de l'enceinte. Christelle Morançais a profité de la présence des caméras pour réclamer des «renforts urgents» de forces de l'ordre au gouvernement, afin de mettre un terme au «chaos inadmissible» que connaît la ville. Mais cela aurait pu être bien pire, en fait: une quinzaine d'individus ont commencé à asperger d'essence le logement de fonction de l'agent d'accueil du lycée… avant de s'apercevoir que sa femme et leur fils de 21 ans se trouvaient à l'intérieur. «Je ne sais pas ce qui aurait pu se passer si je n'avais pas été là: ma mère – qui est malvoyante – se serait certainement mise dans un coin et ils ne l'auraient pas vue», souffle Glenn, 21 ans.
«Mouvements de population»
En attendant, les élèves de terminale n'ont pas pu voir leurs résultats du bac affichés à l'entrée du lycée. Les épreuves de rattrapage vont malgré tout avoir lieu «dans les prochains jours», rassure Christelle Morançais. A vrai dire, le lycée n'a pas été le seul visé dans ce quartier de la Bottière, à l'est de Nantes. L'incendie d'une station-service a été vite maîtrisé, tandis qu'une crèche a été en grande partie détruite. Sur le parking d'une petite résidence voisine, le bitume garde lui les traces de l'incendie d'une voiture. Au total, une «bonne cinquantaine» ont été brûlées sur l'ensemble de la ville pour la seule nuit de jeudi à vendredi, selon les pompiers. Dont celle de la maire (PS) Johanna Rolland, selon Ouest-France.
Kaysar, un Syrien de 32 ans, est ainsi encore marqué par les inquiétants «mouvements de population» qu'il a vus vers 2 heures du matin depuis la fenêtre de son studio. C'est «la première fois» qu'il voit ça à Nantes, une ville d'ordinaire si «calme». «En Syrie, j'ai vu beaucoup de choses mais là-bas c'est la guerre… Ici ce n'est pas le cas, ça ne devrait pas arriver, souffle cet étudiant en master. Aujourd'hui, je n'ai pas le choix, je ne peux pas vivre ailleurs. Mais si je l'avais, je changerais de quartier.»
Vendredi, le CRS qui a ouvert le feu sur le jeune Aboubakar F., l'atteignant mortellement au cou, a reconnu qu'il avait menti. Alors qu'il affirmait avoir agi en état de légitime défense face à la menace que représentait le jeune homme au volant de sa voiture, il soutient aujourd'hui qu'il s'agit d'un «tir accidentel» alors qu'il cherchait à interpeller Aboubakar F. à l'intérieur du véhicule. «Le tir accidentel a conduit à la mort d'un jeune homme. […] le premier réflexe de la personne qui se sent autant coupable, c'est le déni», a déclaré sur LCI son avocat, Laurent-Franck Lienard. Un geste qu'il «regrette» et «regrettera toute sa vie», poursuit l'avocat. Vendredi lors d'une conférence de presse en fin de journée, le procureur de la République a annoncé que le policier allait être déféré devant le parquet et l'ouverture d'une information judiciaire du chef de «coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner avec circonstance aggravante».
Un premier rapport d'intervention des CRS, qui semblait dédouaner le policier auteur du tir, apparaît lui aussi comme erroné à la vue de ces nouvelles déclarations. La scène, telle que désormais décrite par l'agent auteur du tir, n'y apparaissait pas. Sur la scène politique et dans les rangs syndicaux, les faits ont largement été commentés, jusqu'à l'imprudence, avant le revirement du policier.