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Libération
EDITORIAL

Ambivalence

publié le 8 juillet 2018 à 19h26

La monarchie républicaine est un art difficile. Trop lointaine ou trop proche, hiératique ou trop familière, laconique ou bavarde, simple ou majestueuse : au fond, le Président, comme ses prédécesseurs, ne sait guère sur quel pied présider. Le silence ne paie pas mais la parole est vaine ; la provocation tombe à plat ou se retourne contre son auteur ; l’explication ne convainc pas, la hauteur éloigne ; la familiarité dessert. Certes l’opinion, versatile et souvent injuste, porte une responsabilité dans cette ambivalence insaisissable. Elle reproche souvent tout et son contraire à son premier représentant, sa présence et son absence, sa prolixité et son mutisme. On peut ainsi mettre sur le compte de la difficulté de gouverner en démocratie le relatif état de disgrâce dont est frappé Emmanuel Macron.

Mais il y a plus grave : dans l’amoncellement de sondages qui traduisent les premières déconvenues de l’exécutif, une réponse retient l’attention : la politique présidentielle n’est pas seulement jugée injuste, favorable aux plus riches, solitaire ou monarchique. On la tient aussi pour inefficace. Diable ! C’est que le «en même temps», mantra du régime, gage d’équilibre droite-gauche, commence à fonctionner à l’envers. Plutôt que de satisfaire droite et gauche en reprenant leurs aspirations, on tend désormais à les décevoir en même temps. Macron perdait à gauche à cause de sa politique fiscale et non sociale ; il perd aussi à droite sur les questions de sécurité et d’immigration. La potion amère qu’il doit administrer pour boucler son budget et tenir sa promesse de réductions des dépenses publiques n’aidera pas à l’affaire. Macron trônait sur un centrisme d’autorité - autoritaire ? -, il se retrouve entre deux chaises qui s’écartent. Rien de définitif dans cette disgrâce, qui a touché plusieurs présidents avant lui. Il lui reste quatre ans - une éternité en politique - pour rétablir la confiance. Il tentera à Versailles de renverser la vapeur. Mais sans résultats tangibles, les mots ne masqueront pas les choses et le verbe ne se fera pas chair.