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Libération
Chronique «Lâchez les cheveux»

«Avec mes cheveux lisses, je n’avais plus l’image du gars typé, arabe»

(Illustration Clara Dealberto)
publié le 9 juillet 2018 à 6h48

Qu'on les chérisse ou qu'on les haïsse, qu'ils soient moqués ou admirés, les cheveux, c'est une sacrée affaire. Parce qu'ils contribuent à faire de nous ce que nous sommes, Libération leur consacre une chronique. Aujourd'hui, Mostefa, étudiant de 21 ans.

«Mes cheveux sont crépus, pas malléables, secs, abîmés. Tu ne sais rien faire avec. Mes autres frères, ils les ont eus bouclés. Mes parents ont toujours voulu que je les accepte, moi je ne les ai jamais acceptés vraiment.

«Au lycée, les gens touchaient parfois mes cheveux, j’avais l’impression d’être un peu une bête curieuse. Ce n’est pas forcément évident quand tu es le seul Reubeu dans une classe. A 16 ans, on ne sait pas forcément se défendre face à ça. J’étais en Belgique dans un lycée privé catholique, très conservateur. C’étaient tous soit des Français de frontière comme moi, soit des Belges. Ils avaient tous les cheveux blonds, les cheveux lisses, en tout cas coiffables.

Influence

«Ça commençait à être la mode des défrisages. Au début, je ne savais pas comment faire. J’achetais des produits mais au final ça ne fonctionnait pas parce que c’était pour des cheveux "européens" (je n’ai jamais trop compris le terme "européen", je trouve que c’est inapproprié). Ça les avait juste ondulés. J’étais envieux: j’ai un pote qui est italien, qui a ses cheveux toujours bien coiffés, et je me disais "moi aussi je peux essayer de le faire". C’est bête à dire mais on est influencé par notre environnement.

«Des amis m’ont donné le nom d’un coiffeur afro à Roubaix, donc je suis parti là-bas. J’étais content parce que mes cheveux étaient lisses et le regard des gens a changé. Je n’avais plus l’image du gars typé, cheveux frisés, donc arabe tout de suite.

Se réapproprier son look

«En lissant mes cheveux, je pouvais avoir du contrôle sur mon apparence. Ça change beaucoup de choses. Les gens de ma classe me regardaient un peu comme si j’avais fait la transformation du siècle. J’ai vu un changement de comportement, en étant mieux accepté, en délaissant un peu tous les stéréotypes. Ils étaient plus avenants envers moi, moins offensifs.

«Par contre, mes parents n’ont pas compris du tout. Je leur ai dit que c’était une défense. Ce n’est pas un rejet de mon identité, c’est au contraire une affirmation. C’est un peu pour dire aux autres qu’on n’est pas obligé de rester dans les clichés, qu’on peut en sortir. C’était une manière de me réapproprier mon look.»

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