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Libération
Billet

«Stranguler» le Rassemblement national, quel intérêt ?

publié le 9 juillet 2018 à 20h26

A écouter Marine Le Pen, en décidant de saisir, à titre conservatoire, plus de 2 millions d'euros de son financement public dans le cadre de l'affaire des emplois fictifs présumés d'assistants au Parlement européen, deux juges d'instruction chercheraient à «assassiner le premier parti d'opposition» par «strangulation financière» à moins d'un an des élections européennes. «Cette saisie honteuse de nos revenus a été faite sur ordre du parquet financier, qui est politiquement à gauche», a-t-elle dénoncé lundi.

S'il faut reconnaître que le coup est rude, au regard de la somme saisie (environ la moitié des 4,5 millions d'aides publiques versées au Rassemblement national en fonction de ses scores électoraux), cette décision ne tombe pas de nulle part. L'ex-FN est en effet suspecté d'avoir rémunéré ses permanents avec l'argent réservé aux assistants parlementaires européens. Le Parlement de Strasbourg estime le préjudice subi à quelque 7 millions d'euros sur 2009-2017. Pour la patronne du RN, cette saisie «constitue une violation de la présomption d'innocence : le Rassemblement national se voit appliquer une exécution de peine sans avoir été condamné, ni même jugé puisque l'affaire n'est qu'au stade de l'instruction !» a-t-elle affirmé, oubliant à dessein un détail de taille : la dimension conservatoire de la saisie, qui n'est donc pas l'exécution de quoi que ce soit mais une précaution vis-à-vis d'un mauvais payeur.

Surtout, on a du mal à comprendre qui aurait intérêt à voir l’ex-FN disparaître en lui coupant les vivres. Pas la majorité macronienne ou même la gauche socialiste, alors que le parti divise la droite et constitue d’abord un concurrent électoral pour Les Républicains. La formation d’extrême droite attire en outre une bonne part du vote contestataire anti-Macron sans avoir, a priori, la capacité de constituer une majorité par le jeu des alliances… Alors qu’il semble en plus avoir perdu des plumes depuis le dernier scrutin européen, où il avait fini en tête, et plus encore depuis la dernière présidentielle, on ne voit pas bien quel serait l’objectif politique poursuivi par ces deux «juges rouges». Leur décision offre surtout à Marine Le Pen un boulevard pour se victimiser.