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Libération
Reportage

A Arcueil, un coup de pouce lors du passage en caisse

Epicerie solidaire, l’Eclaircie vend des produits à 10 % de leur prix réel à des personnes en grande difficulté.
Le 5 juillet à l’épicerie l’Eclaircie à Arcueil (Val-de-Marne). (Photo Christophe Maout)
publié le 11 juillet 2018 à 20h46
(mis à jour le 11 juillet 2018 à 21h01)

«A la base, je n'étais pas pauvre et je le suis devenue.» Claire vit désormais avec ses deux enfants en HLM. Cette ex-cadre dans la presse, au service publicité, tapote sur son smartphone, l'air préoccupé. «J'étais au RSA et j'ai appris que j'étais suspendue de la CAF par un mail sans motivation depuis septembre. Je suis écœurée.» Cette femme élégante vêtue d'un châle aux couleurs claires tire un cabas à roulettes pour faire ses courses à l'Eclaircie, une épicerie solidaire dans la petite couronne parisienne. Ce «commerce» destiné aux personnes en difficulté occupe depuis 2010 le rez-de-chaussée de la Maison des solidarités à Arcueil (Val-de-Marne). Ce centre social associatif a pu être créé grâce à Jacques Greux, un habitant de la ville qui a légué sa maison à la municipalité à sa mort pour en faire un espace social.

Des prix imbattables. A l'Eclaircie, une quinzaine de bénévoles font tourner l'épicerie deux fois par semaine, le mardi matin et le jeudi après-midi. On peut y acheter des denrées alimentaires et des produits d'hygiène, en contrepartie d'une modeste participation financière. «L'accès est accordé à chaque famille pour une durée comprise entre trois et six mois», explique Mélanie Maignan, conseillère en économie sociale et familiale de la Maison des solidarités. C'est elle qui reçoit la demande de l'assistante sociale, avant d'être examinée par une commission.

L’épicerie solidaire ressemble à un magasin ordinaire, avec ses rayons, sa caisse avec tapis roulant, ses grands réfrigérateurs et une climatisation. Une carte d’accès indique le budget mensuel d’achat accordé aux personnes seules ou aux familles en fonction de leurs revenus. A chaque étagère est indiqué le prix réel des produits proposés et en dessous, le prix fixé par l’association. Ici on ne paie que 10 % de la valeur des achats, soit 4,50 euros pour un panier d’une valeur réelle de 45 euros. Cette réduction est spécialement appréciée pour des produits chers comme les couches pour bébés, qui pèsent lourd dans les budgets des parents en situation de précarité. Le paquet de 24 couches est vendu 1,60 euro au lieu de 16 euros.

Mais à l'épicerie d'Arcueil, on croise aussi des célibataires pas plus épargnés par la pauvreté que les familles. Armand arrive avec deux sacs vides. A 31 ans, il fait des missions d'intérim comme animateur dans la vente en multimédia et espère décrocher, «peut-être», un CDI. Bénéficiaire de l'épicerie depuis avril, il récupère un chariot rouge à l'entrée pour acheter des fruits et légumes.

«Répugnants». Dans la salle d'accueil de la Maison des solidarités sont assis autour d'une table quatre femmes et un homme. Un jeune couple veille sur le landau d'Ayoub, 1 mois, presque endormi. «J'étais hébergé chez ma mère mais on a dû quitter le logement par manque de place. Nous étions sept dans un F3», raconte Nassib, la mère de 23 ans, diplômée en BTS banque. Avec son compagnon, Amine, 28 ans, travailleur en intérim dans le bâtiment, elle est venue chercher un colis alimentaire gratuit en échange d'un bon donné par la municipalité. Une aide octroyée de manière urgente à des personnes qui traversent des difficultés particulières. Les colis alimentaires sont composés de produits secs et frais et permettent de tenir un peu plus de trois jours.

Retraitée de l'Education nationale, Marie-José, 70 ans, est bénévole à l'épicerie depuis son ouverture. Rapport d'activité de l'Eclaircie sous les yeux, elle indique que «256 colis ont été distribués en 2017 et 85 familles ont pu avoir accès à l'épicerie, soit 235 personnes». L'année passée, l'épicerie a alloué 42 247 euros pour l'achat de denrées. «La demande ne cesse d'augmenter. Les femmes (60 %) sont plus nombreuses que les hommes (40 %).» Parmi elles, Claire, très déçue par l'annonce du report du plan pauvreté par Emmanuel Macron. «Les propos qu'il a tenus sur "le pognon de dingue" sont répugnants ! J'aimerais qu'un des députés vienne vivre avec des gens comme moi, en difficulté.» Cette mère célibataire se dit «absorbée par des tas de soucis» qui la plombent dans sa recherche d'emploi. «Plus on est défavorisé et plus on a des problèmes.»