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Libération
Mobilisation

Après les tirs de kalachnikov, la Busserine se mobilise pour sa crèche

Ce quartier de Marseille frappé par une fusillade en mai dernier doit faire face à la fermeture de sa crèche pour raisons de sécurité. Organisés en collectif, les habitants se battent pour que la structure ne disparaisse pas.
Un immeuble à Marseille, en 2016. (Photo Bertrand Langlois. AFP)
par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille
publié le 17 juillet 2018 à 19h09

Ils n'ont pas l'intention de lâcher, même en plein cœur de juillet. Ce mardi, le groupe de veille de la cité de la Busserine, dans le XIVe arrondissement de Marseille, avait à nouveau convié les riverains et les médias pour ne pas se faire oublier. Depuis un mois, le collectif, qui réunit habitants et associations œuvrant sur le quartier, se mobilisent pour empêcher la fermeture de la crèche de l'Œuf, une structure installée au cœur de la cité. Le 26 juin, la Fondation des apprentis d'Auteuil, qui gère l'établissement associatif, a annoncé que la rentrée de septembre n'aurait pas lieu. Impossible, pour la direction de la structure, «d'assurer la sécurité des enfants et du personnel». Après trente ans de présence dans la cité, un ultime événement leur a fait jeter l'éponge : le 21 mai, une fusillade éclate en plein jour, au milieu des bâtiments de la Busserine. Le commando, armé de kalachnikovs et cagoulé, parvient à prendre la fuite mais la scène, filmée et postée par les réseaux sociaux, fait le tour du web.

Seringues de toxicomanes

Les caméras de télévision envahissent la cité, les habitants crient leur colère, interpellent les autorités. Le ministre de l'Intérieur fait une visite express en pleine nuit, la préfète à l'égalité des chances se déplace elle aussi. Le maire de Marseille mettra lui cinq jours à réagir, via un communiqué… De son côté, le groupe de veille entame les discussions avec les autorités, tente de se faire entendre… jusqu'à l'annonce surprise de la fermeture de l'Œuf. «La fusillade du 21 mai a provoqué un trop-plein face à la non réponse des pouvoirs publics aux problèmes de sécurité. Cela fait trois ans que l'équipe alerte les autorités», souligne l'administratrice de l'Agora, le centre social de la Busserine et membre du groupe de veille, Anne-Marie Tagawa.

Seringues de toxicomanes qui traînent près de l’établissement, allers et venues des trafiquants de drogue aux abords de la structure et même un impact de balle dans la palissade… Depuis trois ans, des travaux ont tout de même été menés autour de la crèche, avec notamment la pose d’une barrière pour isoler les enfants de l’extérieur. Insuffisant pour la Fondation d’Auteuil qui pourrait envisager de continuer son activité si un nouveau lieu était trouvé.

Question d'ordre symbolique

Des discussions sont en cours pour identifier un local adaptable. Le groupe de veille de la Busserine, de son côté, insiste sur la nécessité de maintenir l'équipement au cœur du quartier. «A la base, l'Œuf avait été créé dans les années 80 pour permettre aux parents de mener leurs démarches d'insertion sociale, souligne Yamina, membre du groupe de veille. C'est une ressource indispensable pour notre territoire qui compte notamment 30% de familles monoparentales.»

Au-delà du cas des familles, c'est aussi, pour le collectif, une question d'ordre symbolique : pas question d'abandonner le terrain face aux réseaux. Si la fusillade de fin mai a été particulièrement médiatisée, ce n'est pas le premier incident du genre subi par les habitants qui désespèrent de voir les institutions réagir efficacement. «Il faut éviter les effets d'annonce, cette habitude des pouvoirs publics : on vient pour éteindre l'incendie en disant on va faire ça et ça, et il n'y a pas de suivi, déplore Anne-Marie Tagawa. C'est ce que l'on veut éviter pour la crèche.»

Si des réunions ont déjà eu lieu en préfecture sur le sujet, le groupe de veille propose ainsi de mettre en place une cellule d'urgence réunissant les différents acteurs du dossier pour trouver une solution pérenne pour la crèche et surtout, éviter une «discontinuité de l'accueil» en septembre. Un courrier a également été adressé à la Fondation des apprentis d'Auteuil pour leur demander de différer leur décision de fermer le temps de ces discussions. La Fondation indiquait mardi qu'elle était prête à continuer l'activité sur place en septembre, si et seulement si de nouveaux locaux sûrs étaient clairement identifiés et si des mesures renforçant la sécurité étaient prises. Selon la préfecture, des sites auraient été identifiés et des expertises seraient en cours. Les différentes parties doivent se réunir pour en discuter avant la fin juillet. La crèche, elle, doit fermer pour les vacances le 31 juillet. Définitivement ?