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Libération
Éditorial

Carabistouille

publié le 19 juillet 2018 à 21h26

Manu, quelle boulette ! Monsieur le président, quelle carabistouille ! Un adjoint au chef de cabinet de l'Elysée, une sorte de Gaston Lagaffe qui se prend pour John Wayne, usurpe l'identité de policier, se mêle aux forces de l'ordre le 1er Mai et distribue quelques horions à un jeune manifestant à terre. Le président est averti de l'impair - tout de même fort de café - et demande des sanctions. Indulgence présidentielle ? Mollesse de ses collaborateurs ? Le boxeur élyséen est mis à pied quinze jours - il est vrai qu'il vient d'En marche - au lieu d'être remercié, comme l'avait en son temps décidé Arnaud Montebourg quand le même cow-boy, alors chauffeur, avait commis une faute aux yeux du ministre. Le Monde sort l'affaire : au lieu de sévir, même à retardement, l'Elysée envoie au feu le porte-parole Bruno Roger-Petit. Celui-ci rappelle la mise à pied, «la sanction la plus grave jamais prononcée contre un chargé de mission travaillant à l'Elysée» et annonce dans la foulée qu'un autre collaborateur, un dénommé Crase, est évincé du staff. On ignore ce qu'a fait au juste ce Crase-émissaire. La sanction la plus grave jamais prononcée ? Aquilino Morelle, conseiller de François Hollande, avait commis la faute ridicule - mais inoffensive - de faire reluire ses chaussures par un cireur ad hoc à l'Elysée. Il était mis en cause dans un autre dossier, dont il a été blanchi depuis : viré dans l'heure… Ainsi il est plus grave, selon les critères du «nouveau monde», de s'acharner sur une paire de chaussures que sur un manifestant à terre. Depuis, silence radio, alors que l'imposteur pugiliste a toujours son bureau - ou son placard - à l'Elysée et qu'une enquête policière est ouverte à son encontre. Pourtant l'article 40 du code de procédure pénale fait obligation aux agents publics de dénoncer au procureur tout délit dont ils auraient connaissance. On estime sans doute en haut lieu que les sanctions prononcées suffiront et que l'opinion, qui en a vu d'autres, passera vite aux affaires suivantes. Pourtant, la découverte de la charge peu héroïque d'un chargé de mission au cabinet du président de la République dénué de tout mandat et de toute mission méritait sans doute autre chose que ce petit coup de règle sur les doigts. Et le public mieux que de la poudre de perlimpinpin.