Ce fut probablement l’une des pires journées qu’aient eu à vivre, depuis l’élection présidentielle, les communicants du chef de l’Etat. Il s’était invité à Périgueux pour dire sa volonté de réparer les fractures territoriales. Il aura passé ce jeudi à fuir les questions sur les invraisemblables agissements de l’un de ses collaborateurs.
Après la célébration euphorique de la France championne du monde, ce déplacement en Dordogne devait marquer le retour d’Emmanuel Macron aux dures réalités de la France en souffrance. Dans ce département rural, il s’agissait de faire savoir que l’exécutif mettait désormais au cœur de ses priorités la restauration de l’équité territoriale. Et si la dépense publique doit être réduite, ce ne sera plus, promis juré, aux dépens des services publics de proximité.
Exaspération
«Qu'avez-vous pensé de la vidéo révélée hier ?» a risqué un premier journaliste, alors que Macron venait de se faire présenter les nouveaux services de visites aux personnes âgées proposés par la Poste, au centre de tri de Marsac-sur-l'Isle. «Je suis là, moi, avec les gens», a répondu le Président avant de tourner les talons, sans rien laisser voir de son exaspération. Dans son entourage, en revanche, on cachait mal son effarement face à cette tempête que la déclaration bancale du porte-parole Bruno Roger-Petit n'a absolument pas calmée. Plus de douze heures après les révélations du Monde, la réaction de l'Elysée a plutôt contribué à jeter de l'huile sur le feu. Il était clair, dès lors, que ce déplacement présidentiel serait un calvaire.
«Mais qui va s'intéresser à notre histoire ?» constatait, résigné, un responsable de la Poste. Le clou de cette visite, ce devait être le dévoilement de la Marianne engagée, gravure sélectionnée par Macron pour le timbre de son quinquennat, conformément à une vieille tradition à laquelle ont sacrifié tous les présidents de la Ve République. Une réplique géante de l'œuvre de YZ, une artiste de street art, a été inaugurée sur le pignon d'un immeuble HLM, dans un village de la périphérie de Périgueux. L'occasion pour Macron de célébrer «la République qui descend dans toutes les communes de France», «la fraternité qui réhumanise l'action publique».
Lors du rituel bain de foule qui avait précédé ce discours, une habitante n'avait pas caché son scepticisme : «On n'a plus les moyens de vivre, monsieur Macron, entendez-nous. On ne s'en sort plus, putain, on ne s'en sort plus», s'est-elle emportée, glissant au passage une remarque sur la vaisselle de l'Elysée. Le chef de l'Etat a répondu qu'il savait bien «que les choses allaient mal» et que c'est bien pour cette raison qu'il «travaille à les changer». Quant à la vaisselle de Sèvres, il jure, «les yeux dans les yeux», que cette commande n'a «pas coûté un centime de plus au contribuable». «Ce n'est pas pour mon bon plaisir, je me suis toujours payé mes assiettes», a insisté le Président, se désolant de devoir encore «opposer les faits» à ceux qui veulent «en permanence salir».
«Inaltérable»
Mais cette République symbolisée par la Marianne «fière et volontaire» au «regard franc tourné vers l'avenir», n'est-elle pas maltraitée, bafouée pas ce matraqueur déguisé en policier et toujours salarié par l'Elysée ? «Non, non, la République elle est inaltérable», a sèchement répondu Macron, avant de s'attarder pour répondre aux questions pointues de la rédactrice d'une revue de philatélie.