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Libération
Décryptage

Commission d’enquête parlementaire, mode d’emploi

Affaire Benalladossier
Sous pression, l’exécutif a finalement accepté de suspendre les travaux de l’Assemblée nationale. Qui va auditionner à partir de ce lundi les acteurs de l’affaire Benalla, en parallèle de l’enquête judiciaire.
Le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, le 21 février 2018, à l'Assemblée nationale. Photo Jacques Demarthon. (AFP)
publié le 22 juillet 2018 à 21h06

Montée manu militari la semaine dernière, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale commence ses auditions ce lundi matin, par Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur. Le tout dans un climat de très forte tension entre la majorité et l'opposition. Dimanche, le gouvernement a ainsi décidé de suspendre jusqu'à nouvel ordre l'examen de la révision constitutionnelle. La députée de La République en marche Marie Guévenoux prévient : «On doit travailler sur les faits, sans essayer de les manipuler dans un sens ou dans l'autre. Arriver en commission sans considérer que c'est une affaire d'Etat ni un fait divers.»

Comment la commission d’enquête est née ?

Au lendemain des premières révélations sur «l'affaire Benalla» par le Monde, jeudi, les députés de l'opposition, toutes tendances confondues, ont réclamé la venue d'un membre du gouvernement pour s'expliquer, ainsi qu'une enquête parlementaire. C'est le socialiste Boris Vallaud qui a dégoté, dans les petites lignes du règlement, une disposition permettant à la commission des lois de se doter des prérogatives d'une commission d'enquête. Ce que la majorité LREM-Modem a accepté jeudi soir. Pas vraiment le choix, l'opposition bloquant toute reprise du débat sur la révision constitutionnelle par une flopée de rappels au règlement. La présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet (LREM), présidera aussi la commission d'enquête et en sera corapporteure avec le député (LR) Guillaume Larrivé.

Qui sera auditionné ?

Gérard Collomb, qui doit aussi être entendu par la commission des lois du Sénat mardi, ouvre le bal ce lundi matin à l’Assemblée, à 10 heures. Puis les députés auditionneront, à 14 heures, le préfet de police, Michel Delpuech. Les corapporteurs se sont aussi accordés pour convoquer Patrick Strzoda, le directeur de cabinet de l’Elysée ; Alain Gibelin, responsable de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) ; Laurent Simonin, contrôleur général ; et Maxence Creusat, commissaire - les deux derniers étant mis en cause dans l’enquête. Aucune date n’est pour l’instant fixée.

Cependant, la commission bute sur le reste de la liste. Samedi matin, Guillaume Larrivé a transmis les noms de plusieurs personnes qu'il souhaitait entendre, notamment ceux d'Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée ; Bruno Roger-Petit, le porte-parole de la présidence ; et Christophe Castaner, en tant que patron du parti LREM. Mais refus, pour l'instant, de Yaël Braun-Pivet et de la majorité. La commission convoquera-t-elle Alexandre Benalla et son compère Vincent Crase ? L'opposition l'espère, mais aucune réponse de la majorité. Décryptage du député insoumis Ugo Bernalicis : «Ils sont majoritaires donc ils imposent les noms et le calendrier, mais pour que la commission soit crédible nous devons écouter tous les protagonistes…»

Comment va travailler la commission ?

Elle a un mois pour mener ces auditions, et les personnes convoquées ne peuvent s’y soustraire : le refus de comparaître les expose à une peine de deux ans de prison et 7 500 euros d’amende. Autre obligation : dire la vérité. Tous les auditionnés s’exprimeront sous serment. Après s’être écharpés avec l’opposition sur la question de la publicité de ces auditions vendredi, les députés de la majorité ont fini par renoncer au huis clos qu’ils entendaient appliquer.

La dernière difficulté porte sur le croisement avec l'enquête judiciaire, le Parlement ne pouvant empiéter sur la justice. Dans un échange écrit avec la présidence de l'Assemblée nationale, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a rappelé que plusieurs procédures judiciaires existaient. Comment bien distinguer les deux champs ? «Ce sera un travail de dentelle. Ce qui relève du judiciaire et du parlementaire est une question très délicate. On va avancer au cas par cas», reconnaît un membre de la commission.