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Libération
Récit

La compagne de Lakdim, 18 ans, au centre de l’enquête

Après la mort de Radouane Lakdim lors de l’assaut du GIGN, les investigations sur l’attentat de Trèbes tournent autour de son amie radicalisée, Marine P.
publié le 22 juillet 2018 à 21h16

Un couple insondable au cœur de l'enquête. Quatre mois après les attaques de l'Aude, les enquêteurs continuent de reconstituer avec minutie le parcours du tueur Radouane Lakdim, et de Marine P., sa compagne. A la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la hiérarchie a quelque peu bouleversé les habitudes, en sommant les équipes d'intensifier le travail de rétro-analyse. En clair, il s'agit de comprendre pourquoi la surveillance du jihadiste de 25 ans, pourtant effective durant près de quatre ans, a pu ne rien percevoir de ses intentions. «Cet attentat a été disséqué sous tous les angles, assure une source bien informée. Le service doit améliorer sa culture du retour d'expérience (Retex).» Fiché S en 2014, Radouane Lakdim a été l'objet, par périodes, d'investigations techniques et de filatures physiques assez soutenues. Mais aucune n'a permis de démontrer son adhésion à l'idéologie de l'Etat islamique. Peu avant son passage à l'acte, les services spécialisés envisageaient même un abandon de la surveillance.

Hébétude

Dès lors, le jeune homme s'est-il adonné à la fameuse taqiya, cette technique de dissimulation ? Certains policiers en sont convaincus. Ils en tiennent pour preuve l'hébétude des proches du terroriste. De bonne foi semble-t-il, ils ont juré ne pas avoir perçu la radicalité extrême du jeune homme. Autre indice, révélé peu après les attaques par le procureur Molins : l'absence de communications téléphoniques entre Radouane Lakdim et sa compagne, de janvier au 23 mars, jour de la tuerie. Le couple a circonscrit ses échanges à une application de messagerie cryptée.

Le jihadiste ayant été abattu par le GIGN, seule Marine P., 18 ans, peut éclairer la suite des investigations. Mise en examen pour «association de malfaiteurs en vue de commettre des crimes d'atteinte aux personnes», elle est en détention provisoire depuis le 27 mars. Convertie à l'âge de 16 ans, la jeune femme, à peine majeure au moment des faits, a crié «Allah akbar» lors de son interpellation. En couple avec Lakdim depuis environ trois ans, elle semble s'être endurcie à partir de l'été 2017 - date à laquelle elle s'est affichée pour la première fois en niqab. C'est en tout cas l'avis d'une de ses amies proches. Ex-militaire au deuxième régiment de dragons du Maine-et-Loire, cette dernière a livré un témoignage éclairant : «Début juin 2017, nous avons eu une conversation concernant les attentats. […] Marine m'a alors confié qu'il fallait frapper fort la France pour riposter face à l'intervention de la coalition en Syrie. […] Elle cautionnait les attentats commis sur le territoire national car elle rendait responsable la France. Pour elle, la France récoltait ce qu'elle avait semé en attaquant la Syrie.»

«Vengeance»

Cette propagande, répétée à l'envi, reflète assez mal la personnalité fragile de la jeune femme, fichée S à son tour en 2017. Son amie ne s'y trompe pas : «Marine ne fait rien dans la vie. Elle a arrêté l'école en première. Suite à ça, elle n'a plus rien fait. Elle restait chez elle à ne rien faire.» «Radouane ne savait pas qu'elle fumait des joints donc elle mettait du déodorant, du parfum et elle se brossait les dents avant de le voir», reprend-elle. Est-ce avant tout par amour que Marine P. emprunte les chemins de l'islam radical ? «Faites attention à Marine car le fait que Radouane soit mort, cela va attiser son désir de vengeance. Surtout le fait que Radouane ait été tué par des policiers», avertit l'ancienne militaire.