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Libération

Aéro-Seine, arbre à pluie, îlot frais : trois initiatives contre la canicule

publié le 25 juillet 2018 à 20h16

L’arbre à pluie : branches de son et résonances liquides

Un arbre affublé d'une espèce de trompette en cuivre qui dispense… de la pluie. Oui, de la pluie. L'arbre à pluie était installé pour quatre jours en juin à Paris Xe, dans un des coins les plus chauds (on ne parle pas de la population locale) de la capitale, «parce que très densément peuplé, très bitumé, avec très peu d'espaces verts», explique Clément Bertin, architecte, qui a conçu ce projet avec son frangin Antoine Bertin, artiste sonore, dans le décor charmant de la médiathèque Françoise-Sagan. Un îlot étonnamment calme dans ce quartier plutôt bruyant. «C'est un tulipier, explique Antoine Bertin, un arbre importé de Virginie, qui fait des fleurs très jolies, un peu comme des magnolias. Evidemment, aujourd'hui il n'y a pas de soleil, mais avec les rayons et l'eau qui tombe en gouttelettes, ça fait des arcs-en-ciel, c'est super joli.» Il (le tulipier) a été équipé d'un détecteur de sons dans les branches qui, lorsqu'il repère un promeneur, balance un signal au cor de chasse accroché dans l'arbre, lequel peut vivre jusqu'à 500 ans et s'adapte aux environnements urbains, comme ici dans le très minéral et citadin parc de la rue Léon-Schwartzenberg.

Le projet des deux frères est réalisé dans le cadre du programme Faire, «accélérateur de projets urbains et architecturaux innovants», lancé par le Pavillon de l'arsenal. Le prototype est relié à une fontaine, qui alimente une citerne, laquelle fournit la pluie. A terme, l'idée est d'utiliser de la vraie eau de pluie, et de la faire partir vers le haut «comme ça, elle retombe en gouttelettes, et là, ça fait pluie», explique le duo passionné par son projet, pour l'instant encore en work in progress.

Le projet Aéro-Seine : l’eau des sols aux cieux

C'est comme si Marylin, au lieu de se faire projeter de l'air sous la jupe, s'envoyait un grand coup de frais : un îlot de fraîcheur au sol, réalisé par le projet Aéro-Seine, intégré dans le programme Faire, et conçu pour lutter contre les îlots de chaleur en milieu urbain en utilisant le réseau d'eau non potable de Paris. Ce dispositif s'installe au sol, dans la continuité du revêtement (pour éviter d'encombrer l'espace public et répondre aux normes sanitaires, rapport à l'utilisation de l'eau non potable). Une flaque climatique, en quelque sorte, «constituée d'une bouche d'arrosage [déjà utilisée par la Ville de Paris dans les espaces verts, ndlr] à laquelle nous greffons un receveur», explique la designer Isabelle Daëron, avant de préciser que la plaque au sol qui retransmettra la fraîcheur est en résine et quartz.

«Le fonctionnement : en période de forte chaleur, les agents de la propreté peuvent ouvrir une vanne [en passant la même clé que celle utilisée pour ouvrir les bouches de lavage, placées dans les rues, ndlr]. Le dispositif fonctionne par débordement. L'eau monte dans la cuve, passe à travers une grille et se répand sur la surface de quartz et de résine. µEtant donné que ce revêtement est poreux, nous augmentons la surface de contact entre l'eau et l'air», poursuit la designer. L'eau non potable s'évapore et participe ainsi au rafraîchissement de l'air ambiant. Pour l'heure, il est encore au stade de prototype, avec recherche de sites où l'installer, à partir de quoi «nous pourrons travailler sur un Aéro-Seine spécifique en termes de taille, de couleur et de forme pour l'intégrer au mieux au lieu», conclut Isabelle Daëron.

L’îlot frais : la chaleur mise au banc

Un samedi étouffant comme on en a à Paris avec le bruit, la pollution et le mercure à 40 °C. A l'horizon, en descendant du bus 91, Gare de Lyon, le fameux îlot de fraîcheur, assez jaune, avec des bancs et une fontaine d'eau de Paris bienvenue. On se jette dessus comme tout le monde, s'arroser la face et les avant-bras, remplir sa bouteille, on se dit aussi que ça doit être top pour les sans-abri, un point d'eau facile d'accès. Des gens sont sous l'ombre des planches espacées entre elles et bon, honnêtement, on ne ressent pas «la bulle de fraîcheur» qui devrait être garantie par «sa canopée apportant de l'ombre et une assise rafraîchie par le réseau de froid de la Ville de Paris», selon le dossier. Mais patience, l'îlot est en cours de mise en place et, précise Olivier Turc, expert de chez Climespace, «si les bancs ne sont pas aussi frais que nous l'espérions, c'est que c'est la toute première fois qu'ils sont installés et ils sont de ce fait encore en phase d'expérimentation. Des ajustements vont pouvoir être réalisés durant tout l'été, afin de pouvoir les optimiser pour l'année prochaine».

Mais comment ça marche, cette affaire ? «Dans l'îlot frais, le banc est rafraîchi par une circulation d'eau entre 2 et 4 °C venant du réseau de froid urbain de la Ville de Paris, explique l'expert. Cette eau glacée est produite à près de 75 % dans des centrales qui utilisent l'eau de la Seine, ressource locale et renouvelable, pour refroidir les machines de production.» Ce qui est déjà ça.

La chose est modulaire, montable-démontable en 24 heures, utilise l'inertie du béton (le socle du banc) et l'eau glacée. Il y en a deux autres à Paris, de cellules de refroidissement urbain, sur le parvis de la Station F et à Paris Plages. Un autre genre de mobilier de rafraîchissement urbain conçu par une autre équipe du programme Faire et baptisé Air des carrières : des bancs en terre crue, utilisant pour rafraîchir non pas de l'eau, mais de l'air. «L'air frais disponible dans le réseau de carrières existant est diffusé en surface des bancs», explique Frédéric Blaise, architecte de l'équipe qui a conçu ce mobilier modulable et déplaçable. Une petite bière et la fesse au frais, que demander de plus ? Oui, des brumisateurs à dispo ou, comme à Berlin, une foultitude de petites piscines dans les parcs.