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Témoignages

Parcoursup, le casse-tête de la rentrée

Parcoursupdossier
(Photo Lionel Bonaventure. AFP)
publié le 26 juillet 2018 à 19h46

Philippe Pujas, directeur de l’IUT de Béziers : «Il y a un risque réel de ne pas remplir les classes en septembre»

«Au départ, Parcoursup ne devait pas changer grand-chose pour nous, les filières sélectives. En réalité, si. On navigue à vue depuis le départ. D’abord, parce qu’on s’est retrouvé avec une augmentation très importante du nombre de candidatures, les élèves ayant la possibilité de formuler un vœu pour un même DUT dans plusieurs villes. Du temps d’APB, jamais je n’ai vu un jeune de Béthune postuler à notre IUT de Béziers. Avec Parcoursup, si. Au-delà du tri des dossiers, le vrai problème s’est posé au moment d’appeler les candidats. Nous n’avions aucune donnée statistique ou de modélisation sur lesquelles s’appuyer pour avoir une idée de la façon dont ces candidatures allaient se répartir.

«Fallait-il appeler beaucoup plus de candidats que notre nombre de places pour être sûrs de remplir nos effectifs ? Comment savoir où arrêter la liste d’attente ? Cela ne sert à rien de laisser croire à des élèves qu’ils peuvent éventuellement être appelés sur liste d’attente s’ils n’ont aucune chance d’être pris. Ce ne serait pas responsable. Nous avons donc posé une limite. Sauf que là, on se retrouve dans l’incertitude, avec un réel risque de ne pas remplir les classes en septembre. Dans le DUT "tech de co", pourtant très prisé, il y a 20 places (sur 90) occupées par des élèves qui n’ont toujours pas confirmé leur choix. Imaginons qu’ils ne viennent pas : et ceux sur liste d’attente ont très certainement été affectés ailleurs. Qui va donc venir chez nous ? Et puis, je ne cesse de m’interroger sur ces élèves qui gardent un vœu en attente. Qu’espèrent-ils ? Quelles sont leurs chances d’obtenir "mieux" en septembre ? Et on ne peut même pas les contacter pour savoir.»

Aurélien Antoine, vice-doyen de la fac de droit  de l'université Jean-Monnet à Saint-Etienne : «Certains de nos étudiants n'auront pas accès à la remise à niveau»

«Le nouvel algorithme Parcoursup traduit les objectifs du Plan étudiant du gouvernement. Mais dans les faits, je pense que certains d’entre eux seront inapplicables à la rentrée ! Ma faculté a par exemple choisi de ne pas assurer les modules de remise à niveau cette année («Oui si» sur la plateforme). L’idée est intéressante. Mais elle représente parfaitement la dérive des pouvoirs publics depuis une quarantaine d’années en matière d’enseignement supérieur : on nous demande d’en faire plus sans nous accorder davantage de moyens. Et Parcoursup n’est que l’arbre qui cache la forêt… Le problème est bien plus profond : il est notamment difficile de comprendre que l’Etat consacre autant de moyens pour les élèves de grandes écoles, alors que les subventions accordées aux universités stagnent. C’est un souci dans une société qui se veut républicaine et égalitariste. Malheureusement donc, à Saint-Etienne, certains de nos futurs étudiants ne profiteront pas de la remise à niveau dont ils ont pourtant besoin. Et ils continueront sans doute d’être en échec. C’est une situation regrettable, que seule une refonte globale de l’enseignement supérieur pourrait améliorer. Etablissons une fois pour toutes que BTS et IUT sont la suite logique des bacs technologiques et professionnels. Quant à l’université, elle correspond davantage aux titulaires d’un baccalauréat général. Bref, permettons aux uns, aux autres, de se réaliser dans le domaine qui leur correspond.»

François-Xavier Roux-Demare, doyen de la fac de droit, économie, gestion et AES de l’université de Bretagne occidentale à Brest : «Il est difficile de se projeter pour préparer la rentrée»

«Quel amphithéâtre attribuer à quelle promotion ? Combien de chargés de TD faudra-t-il trouver ? Aujourd’hui, je n’en ai aucune idée. Je ne sais toujours pas quel sera le nombre définitif d’étudiants dans ma faculté à la rentrée. Avec Parcoursup, les lycéens ont beaucoup plus de temps pour confirmer leur affectation. Au moment des résultats du baccalauréat, nous étions encore dans l’incertitude pour 25 % des effectifs. C’était moins du temps d’APB, où l’on avait une meilleure visibilité. A l’heure actuelle, on a encore une cinquantaine de "Oui - en attente" sur une capacité de 200 étudiants.

«Autre difficulté : les remises à niveau. La réforme prévoit de proposer des modules d’accompagnement aux élèves qui n’auraient pas le niveau nécessaire. En pratique, vu que nous n’avons pas encore la liste définitive des promotions, nous ne pouvons pas savoir combien auront besoin de ces modules. Il y a fort à parier qu’ils seront plus nombreux que prévu. De toute façon, ma faculté est fermée pour l’été. On gérera les problèmes restants à la rentrée. C’est difficile de se projeter. Au printemps, déjà, nous avons été contraints de recourir au "surbooking" en appelant plus d’élèves qu’il n’y a de places. Pendant un moment, nous avons eu peur de ne pas remplir tous les amphithéâtres.»