Quel rapport entre une victoire des Bleus en Coupe du monde et une rencontre du dimanche après-midi en troisième division de district amateur ? Le racisme. Malheureusement, l’épopée victorieuse de l’équipe de France a charrié son lot de réflexions déplacées sur l’origine et la couleur de peau de certains Bleus. Heureusement, ces saillies faisandées ont été étouffées par l’enthousiasme populaire suscité par la victoire, et par les réactions des joueurs eux-mêmes. Mais elles ont bel et bien existé et partiellement terni la fête.
L’enquête que nous publions aujourd’hui sur le quasi-lynchage de joueurs noirs par des membres de l’équipe adverse - et certains de leurs supporteurs - lors d’une rencontre de district en Alsace prouve que ce fléau du racisme n’épargne pas les footballeurs amateurs du dimanche. Comment en serait-il autrement, d’ailleurs, alors qu’un parti xénophobe est arrivé au second tour de la dernière présidentielle, et que la question de l’identité occupe depuis des années une place trop importante dans le débat politique ? Comme on le dit de l’école, le sport et le football en particulier ne sont pas des sanctuaires à l’abri des tensions qui traversent la société. Notamment communautaires. Celles qui traversent l’Alsace ont sans doute leur spécificité. Mais qui peut nier que les insultes ou menaces à caractère raciste fusent chaque week-end sur les pelouses ou dans les tribunes de nombreux villages ou villes françaises ? Bien sûr, ces dérapages, incidents, restent largement minoritaires. Et les actes extrêmement violents, tels ceux de ce triste dimanche 6 mai sur le terrain de Mackenheim, très rares.
Mais est-ce une raison pour les mettre sous le tapis, comme ce fut le cas en Alsace par les «autorités» footballistiques locales, sous le tapis ? Au contraire. Lilian Thuram le dit bien dans l'entretien qu'il nous a accordé : nier ce racisme est la meilleure manière de «le faire perdurer». Comme les profs à l'école, les éducateurs, entraîneurs ou dirigeants de clubs et d'instances sportives sont en première ligne de ce combat.