Presque deux semaines après l’éclatement de l’affaire Benalla, les points les plus épineux commencent à être circonscrits. Conséquence, les auditions devant les commissions d’enquête, surtout au Sénat après le naufrage à l’Assemblée nationale, avancent à petits pas et se concentrent sur ces angles morts. Les gros poissons ayant été entendus dans les premiers jours, ce sont désormais aux numéros 2 ou 3 de chaque institution d’apporter un éclairage, qui ne diffère guère de la parole des grands chefs.
Sur la relation entre le chargé de mission de l'Elysée, Alexandre Benalla, et le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, par exemple : quelle était leur proximité ? Collomb avait assuré le connaître mais sans plus. Sa version a été confirmée lundi matin. «Il le connaissait de vue, il ne connaissait ni son nom, ni son prénom, ni ses fonctions», a déclaré sous serment le chef de cabinet du ministre de l'Intérieur après avoir été celui du maire de Lyon, et ancien directeur de campagne de Macron, Jean-Marie Girier. Un microépisode fait l'objet de nombreuses spéculations : le soir du 1er Mai, jour où Benalla a molesté un manifestant, Gérard Collomb lui a-t-il fait une accolade lorsqu'il l'a vu à la préfecture de police ? Oui selon le Canard enchaîné, qui cite une note de la préfecture. Non, selon Collomb et son chef de cabinet, qui l'a dit lundi devant les sénateurs. De même, le ministre de l'Intérieur a affirmé qu'il ignorait les fonctions exactes du chargé de mission.
Autre nœud identifié par les parlementaires : l'arme de Benalla. Tandis que les responsables policiers se relaient pour certifier qu'il n'avait aucun rôle dans la protection opérationnelle du chef de l'Etat - sa mission étant de «coordonner» différents services lors de ses déplacements - pourquoi disposait-il d'une autorisation de port d'arme, délivrée par la préfecture au titre d'une «mission de police» ? Le chef du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), n'a pas su l'expliquer, répétant, gêné : «Je n'ai jamais vu Benalla avec une arme dans les déplacements du président de la République, qu'ils soient officiels ou non.» Le chargé de mission a dit le contraire dans son interview sur TF1 : «J'ai été armé sur des déplacements privés du Président.» Son arme, un «glock 43», n'est pas en dotation au GSPR, a précisé le gradé Lionel Lavergne, renvoyant aux déclarations de Benalla dans la presse, dans lesquelles il affirme l'avoir achetée sur ses deniers. Le chef du GSPR a aussi contredit les syndicats de police et Benalla à propos des relations tendues entre le chargé de mission et l'équipe placée sous ses ordres : «J'ai toujours entretenu d'excellentes relations avec Benalla. Il était dévoué, réactif, opérationnel.» Ce mardi à 8 heures, les sénateurs entendront le délégué général d'En marche, Christophe Castaner.