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Opposition

Motion impossible pour l'opposition face au gouvernement

Ni le texte élaboré par la droite, ni celui qui a rassemblé la gauche, n’ont eu leur chance face à la majorité. Les discussions de mardi après-midi dans l’hémicycle ont néanmoins été rudes.
Bruno Le Maire, Edouard Philippe Christophe Castaner et Gérard Collomb (de gauche à droite), à l'Assemblée nationale ce mardi. (Photo Denis Allard pour Libération)
publié le 31 juillet 2018 à 19h37
(mis à jour le 1er août 2018 à 9h53)

C'est l'heure de la revanche, sur tous les bancs. Point d'orgue d'une folle quinzaine parlementaire, le débat sur la double motion de censure a permis mardi aux oppositions, comme à la majorité, de solder les comptes avant la pause estivale. Tout le monde a bien pris comme point de départ l'affaire Benalla – les uns fustigeant «un scandale d'Etat», les autres relativisant la «faute individuelle d'un chargé de mission» – avant de bifurquer sur le bilan de l'an I.

Après avoir flotté au début des révélations de la presse sur le collaborateur d'Emmanuel Macron, la majorité a refait les niveaux, adoptant même les bonnes vieilles tactiques de l'ancien monde pour se manifester dans l'hémicycle : faire claquer les pupitres bruyamment au point de couvrir la voix de l'orateur que l'on veut conspuer, ou offrir au Premier ministre trois standing-ovations. «Debout les Playmobil !» crie-t-on sur les bancs de la droite avec une régularité de métronome.

Alliés d'un jour, les députés LR applaudissent leurs homologues du côté gauche de l'hémicycle et vice versa. Pas banal. Jean-Luc Mélenchon se voit même gratifié d'un «il a raison !» sonore venu des rangs Républicains. Des élans d'amour transpartisans qui ne se traduiront pas dans les urnes. Symboliques vu le poids écrasant de la majorité LREM-Modem, les deux motions ont sans surprise été rejetées, avec des résultats à géométrie variable. Premier à être mis au vote, le texte déposé par Les Républicains a recueilli 143 voix, avec le renfort des communistes, des Insoumis et des députés frontistes. La motion déposée par la gauche a ensuite été votée par 74 députés.

«Chacun chez soi»

Refusant de joindre ses voix à la droite, le groupe Nouvelle Gauche s'est contenté de voter le texte de gauche. Mais «cette motion commune n'est pas un accord de gouvernement que nous aurions signé à la faveur de cette affaire», prévient dans la matinée le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. «On n'est pas là pour ressusciter l'union de la gauche ou proposer une alternative politique», le rassure le député LFI Eric Coquerel. «Chacun chez soi», ont donc décidé les Républicains, prenant modèle sur les socialistes pour refuser un strike parlementaire.

Sans s'arrêter à ces subtilités, le Premier ministre et sa majorité voient dans cette double motion un signe que droite et gauche veulent en réalité prendre revanche des défaites de 2017 mal digérées et tenter d'avoir la peau de la révision constitutionnelle. A ses ex-camarades socialistes, Richard Ferrand rappelle leurs relations houleuses avec Mélenchon qui traitait François Hollande de «capitaine de pédalo». «Vous n'avez décidément ni projet, ni mémoire», s'emporte le chef des députés marcheurs.

A la tribune, le Premier ministre joue à merveille son rôle de bouclier présidentiel quand il assène que

«les événements du 1er Mai ne disent rien de la présidence de la République».

Edouard Philippe se fait alors un plaisir de renvoyer les socialistes à l’affaire Cahuzac et la droite aux sondages de l’Elysée, du temps de Nicolas Sarkozy. Ambiance. Concerné de très loin par l’affaire Benalla, qui déstabilise le premier cercle macroniste, Philippe profite à fond de cette tribune pour faire applaudir toutes les réformes votées depuis mai 2017, à l’exception du 80 km/h et de Parcoursup.

«Cette motion de censure, on les remercie, ça nous permet de reprendre la main»

, sourit-on dans l’entourage du Premier ministre, qui annonce la couleur pour la rentrée.

«Nous ne ralentirons pas, nous ne lâcherons rien»

, promet Philippe. Ressoudée, la majorité s’époumone de joie.

«Joug jupitérien»

«Monarchie présidentielle», «ultraconcentration des pouvoirs», «joug jupitérien», «présidentialisme» : chacune à leur tour, les oppositions tentent tout pour raccrocher l'affaire Benalla aux dérives d'un Macron qui ne toucherait plus terre. «Benalla n'est pas la cause des problèmes mais un symptôme, il n'est pas l'affaire d'un dysfonctionnement mais d'un mode de fonctionnement», assène Mélenchon, exigeant que la réforme des institutions soit soumise à référendum. En mode «chiche». Droite comme gauche réclament une réécriture du projet de révision à la lumière du scandale estival dont l'examen, en pleine tempête Benalla, a été suspendu et repoussé sine die.

De leur côté, le PCF, LFI et le PS vident l'intégralité de leur sac, cognant sur le bilan économique et social. Pour le communiste André Chassaigne, qui parlait au nom des trois groupes, «nous avons mille et une raisons de censurer le gouvernement» comme «les cadeaux aux premiers de cordée» ou les déclarations présidentielles sur le «pognon de dingue» des aides sociales. «L'Etat français n'est ni une société anonyme, ni une start-up», renchérit la socialiste Valérie Rabault, qui critique au passage la réforme des rythmes scolaires. «On nous avait promis le nouveau monde, ils renforcent l'antiparlementarisme», accuse aussi la socialiste. Une dernière occasion, un an après le début de la législature, d'adresser un ironique salut au «nouveau monde» qui prétendait laver plus blanc que blanc.