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Libération
Merci de l'avoir posée

En quoi consiste l'encadrement des loyers ?

Interdit par la justice dans les villes de Paris et Lille en 2017, le dispositif pourrait être reconduit à l'automne par le biais de la loi Elan. Mais en quoi consiste-t-il et que sait-on de son efficacité ?
Vue prise depuis le rocher du zoo de Vincennes, en 2008 à Paris. (Photo Boris Horvat. AFP)
par Margaux Deuley
publié le 1er août 2018 à 7h14
(mis à jour le 1er août 2018 à 15h16)

C'était l'une des mesures phares de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) de Cécile Duflot, entrée en vigueur le 1er août 2015. L'encadrement des loyers, qui avait pour but de contenir leur hausse, a été déployé dans les villes où il existait un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logement. Ainsi, par un décret reconduit chaque année, les prix des loyers sont soumis à un plafonnement.

En l'occurrence, les villes de Lille et de Paris ont été les premières à expérimenter le dispositif. Mais après Lille, le 29 novembre 2017, c'était au tour de Paris de se voir interdire la poursuite de cette mesure par le tribunal administratif. Le motif invoqué : l'encadrement des loyers se limitait aux communes alors qu'il devrait s'appliquer aux agglomérations entières. Pour autant, cette décision n'était pas le synonyme d'un enterrement définitif du dispositif.

Pour preuve, moins d'un an plus tard, le projet de loi logement Elan porté par le gouvernement actuel laisse entrevoir aux collectivités la possibilité de redéployer le dispositif sous forme d'une expérimentation de cinq ans. Adopté par le Sénat le 26 juillet dernier, le projet de loi sera examiné en commission mixte partiaire à la rentrée, avant son adoption définitive.

A Paris, l'adjoint à la maire de Paris en charge du logement, Ian Brossat,  confirme que «la loi Elan nous permet d'appliquer l'encadrement des loyers à la seule échelle de la commune» fait la promesse de rétablir le dispositif dans la capitale dès l'automne prochain, sous réserve, donc, que cette disposition soit inscrite dans la future loi.

Quelle mesure pour le logement s'applique au 1er août ?

A partir de ce mercredi 1er août, ce n'est donc pas l'encadrement des loyers tel qu'il a été mis en oeuvre dans les villes de Lille et de Paris qui s'applique, mais le décret visant à encadrer l'évolution des loyers dans le cadre d'une nouvelle location ou d'un renouvellement de bail, lequel est reconduit jusqu'à l'été 2019. Cette mesure, adoptée pour la première fois à l'été 2012, vise à ce que le loyer d'un nouveau locataire ne puisse excéder celui du précédent occupant. Avec deux exceptions notables: réalisation de travaux de rénovation significatifs, et sous-évaluation manifeste du loyer précédent.

Au total, 28 zones dites «tendues» sont concernées et correspondent à 1 149 communes des agglomérations de Bordeaux, Grenoble, La Rochelle, Lyon, Marseille, Grenoble, Aix-en-Provence, Montpellier, Bordeaux, Nice, Strasbourg, Toulouse, Nantes, Toulon, Annecy, Ajaccio, Bastia, Bayonne, Meaux, Menton, Saint-Nazaire, Sète, Thonon-les-Bains, Arles, Beauvais, Biarritz, Fréjus, Annemasse et Arcachon. Par ailleurs, le site du service public propose un simulateur permettant de déterminer si votre logement se situe en zone tendue.

A noter que cette mesure ne peut s'appliquer aux logements vides ou meublés à usage de résidence secondaire du locataire, aux locaux d'activité (beaux commerciaux, précaires ou professionnels), aux locaux à usage unique de dépendance (garage, cave) et aux locations de terrains.

Quelles locations ne sont pas concernées par le futur encadrement des loyers ? 

Deux types de logements, considérés comme vacants, ne seront pas soumis à l’encadrement des loyers : ceux faisant l’objet d’une première location et ceux inoccupés par un locataire depuis plus de 18 mois. Toutefois, certaines dérogations à la limitation d’évolution du prix du loyer peuvent être faites, notamment en cas de travaux (sous certaines conditions) et lorsque le prix du loyer est largement inférieur à la moyenne du marché.

Que sait-on de l’efficacité de cette mesure ?

Au micro de France Inter, le 29 novembre 2017, alors que la justice venait d'annuler l'encadrement des loyers à Paris, Cécile Duflot justifiait l'efficacité de la mesure en ces termes : «Les loyers à Paris ont augmenté de plus de 60% depuis 2000. La seule période où ils ont été contenus et où l'augmentation a baissé de 1%, c'est depuis la mise en place du premier décret de l'encadrement des loyers.»

Des chiffres que vient confirmer le rapport l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap) de juillet 2017. Selon ses données, l'année 2015, qui marque le début de l'encadrement des loyers, enregistre en effet la plus faible hausse des prix du logement (+1%) depuis 1998, contre + 2,1% en 2014 et en 2016. L'évolution de ces trois dernières années s'inscrit en net recul par rapport à la période de 2000 à 2013, où la progression du prix des loyers parisiens était comprise entre 6,6 et 11,9%.

Si le rapport de l'Olap explicite cette modération des prix comme «l'effet attendu des mesures législatives récentes (la loi Alur)», il lui associe d'autres facteurs conjoncturels. La révision annuelle des prix des loyers est calculée à partir de l'indice de référence du logement (IRL). Ce dernier est lui-même calculé sur la base de l'inflation, qui a été nulle en 2015, et très faible en 2016 (0,2%). Dans la mesure où la révision des prix ne s'effectue qu'en cas d'emménagement, les locataires ayant gardé le même logement entre 2015 et 2016 ont ainsi continué de profiter, en 2016, de la modération du prix de leur loyer effectuée en 2015. Ainsi, en raison d'un IRL plus élevé en 2017 (+ 0,5%), l'Olap prévoyait une hausse des prix du logement malgré un modèle législatif et réglementaire semblable. Une prévision juste, puisque son dernier rapport publié en juillet révèle une hausse de 0,8% des prix des loyers dans l'agglomération parisienne.

En outre, la Confédération de la consommation du logement et du cadre de vie (CLCV), dans une étude publiée en juillet, souligne que, cette année, seules 48% des annonces sont conformes à la loi Alur contre 61% en 2017 et 62% en 2016. «C'est la première fois depuis la mise en place de l'encadrement des loyers que le taux de conformité des annonces est inférieur à 50 %», est-il indiqué. Selon les conclusions du rapport, la fin de l'encadrement des loyers aurait permis aux bailleurs de majorer leurs loyers dans des proportions supérieures à celles du marché.

De son côté, l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), hostile à la reconduction de l'encadrement des loyers, estime dans un communiqué que «la fixation administrative des loyers, en faisant fuir investisseurs et petits propriétaires, est une catastrophe pour le marché locatif privé qui ne pourra plus assurer son rôle de premier bailleur social en France». Enfin, s'agissant des Français sondés par Opinion Way peu avant la mise en place de l'encadrement des loyers, en juin 2015, 75% d'entre eux voyaient en cette mesure un «bon dispositif pour protéger les locataires».