On sait pourquoi les pouvoirs publics tardent tant à nommer un(e) patron(ne) à la tête d’Air France : parce qu’ils cherchent un mouton à cinq pattes. En gros, la personne choisie devra dissiper le malaise social qui a conduit à la démission du dernier patron, Jean-Marc Janaillac, retisser le lien de confiance avec le partenaire néerlandais KLM, redresser des comptes certes encore bénéficiaires mais fortement touchés par la grève du printemps, éviter le décrochage par rapport aux autres compagnies (et d’abord les européennes Lufthansa et British Airways), enfin essayer de profiter au maximum d’un marché porté par une demande massive de transport aérien. Ah, on oubliait : si cette personne-là pouvait aussi être à la fois française (on parle quand même d’Air France !), néerlandaise (pour plaire à KLM) et, tant qu’on y est, américaine (pour plaire à Delta qui détient 8,8 % du capital depuis moins d’un an), ce serait parfait. Vu le nombre de critères à remplir, on imagine que la personne en question n’acceptera pas le job sans de sérieuses garanties financières. Mais si l’Etat casse sa tirelire pour attirer la perle rare, l’intersyndicale sera alors fondée à demander aussi sa part sous forme d’une revalorisation des salaires. Et si elle n’obtient pas satisfaction, une nouvelle grève est à redouter dès le mois de septembre, menaçant cette fois de précipiter la compagnie dans le rouge. Bref, on n’est pas loin du chaos et l’Etat actionnaire en porte une lourde responsabilité. Il n’a montré aucun sens stratégique dans l’affaire (en même temps, si l’Etat actionnaire était un bon stratège ça se saurait). Pire, il a troublé le jeu en laissant au début de l’été le groupe AccorHotels briguer une entrée au capital d’Air France. Il y a désormais urgence à prendre une décision, et une décision qui n’entraînera pas de nouvelles catastrophes en chaîne.
Éditorial
Perle rare
publié le 1er août 2018 à 21h06
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