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Récit

A Paris, les Gay Games pour «déconstruire les représentations fondées sur l’ignorance»

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Près de 300 000 visiteurs sont attendus pour la 10e édition de ces «Jeux olympiques» LGBT, symboles de la lutte contre les discriminations, qui se tient dans la capitale à partir de ce samedi.
Lors du «pink flamingo» des Gay Games de Cologne, en 2010. (Photo Patrik Stollarz. AFP)
publié le 2 août 2018 à 20h36

Il existe une compétition sportive dans laquelle la victoire n'est pas l'objectif ultime. Une compétition durant laquelle il est plus question de justice sociale que de performance. Cette compétition, ce sont les Gay Games. Ces «jeux olympiques de la différence» se tiendront pour la première fois en France du 4 au 12 août. Démarrage ce samedi donc. Créés en 1982, alors que l'homosexualité était encore synonyme de marginalisation, ils sont, trente-six ans plus tard, devenus le symbole de la lutte contre toutes les discriminations. «Les Gay Games ne sont pas communautaristes», martelait le fondateur de la manifestation, le médecin américain Tom Waddell, à l'occasion de la première édition à San Francisco. A la fois bénévole et athlète pour cette dixième édition, David Rey estime que «la question de la visibilité des LGBT reste centrale, mais n'aura du sens que si le message va au-delà de la communauté». Pour leur dixième édition, les jeux de la tolérance ont posé leurs valises à Paris.

La compétition est organisée tous les quatre ans dans une ville différente, tout comme les Jeux olympiques, auxquels elle a un temps voulu se comparer en se nommant «Gay Olympics». Mais le Comité international olympique lui a finalement refusé cette appellation avant même sa première édition. Quelque 10 300 sportifs venus de 91 nations différentes peupleront les stades, pistes d'athlétisme ou centres aquatiques de la capitale. Au total, 67 sites sont mobilisés en Ile-de-France et l'accès à la plupart des épreuves est gratuit. David Rey participe au semi-marathon, qui s'élancera de l'avenue Foch le 11 août. Pour lui, ce sera «une occasion unique de se confronter à une délégation américaine de plus de 3 000 athlètes».

Mélanger. Natation, athlétisme, football… Les 36 disciplines représentées donneront lieu à 150 compétitions pendant les neuf jours de l'événement. Si les sports olympiques seront bien de la partie, les Gay Games revendiquent néanmoins la volonté de faire fi des conventions. Ainsi, les couples de même sexe pourront danser au même titre que les couples mixtes en patinage artistique. Privés de natation synchronisée dans les autres compétitions internationales, les hommes pourront s'en donner à cœur joie. Le traditionnel «pink flamingo», une discipline exclusive aux Gay Games qui regroupe l'ensemble des sports aquatiques, présentera un spectacle haut en couleur.

Les Gay Games ne sont pas les jeux de l'entre-soi. Bien au contraire : aucune distinction n'est faite sur l'orientation sexuelle et tout le monde peut participer : qu'on soit une femme ou un homme, qu'on ait 20 ou 70 ans ou encore qu'on soit athée, chrétien ou musulman. Aucun minima sportifs ne sont d'ailleurs requis pour s'inscrire. Egalement bénévole au stand des inscriptions, David Rey assure être «étonné de voir autant de profils différents». Cette très large ouverture voulue par Tom Waddell s'explique par une «volonté de déconstruire les représentations fondées sur l'ignorance». En d'autres termes, se mélanger permet de s'appréhender les uns les autres. Début 2018, un sondage Ifop pour la Fondation Jaurès indiquait que 19 % des personnes LGBT auraient déjà été discriminées dans un club de sport. L'idée absurde qu'une personne sportive ne peut être qu'hétérosexuelle est encore très répandue dans la société. Le sport reste un bastion de l'homophobie. Le slogan de cette édition parisienne des Gay Games, «All Equal» («tous égaux»), affiche clairement la couleur.

«Changer». «Les jeux de Paris s'inscrivent dans l'histoire de la compétition et dans ses revendications. Le sport peut et doit toujours contribuer à changer la société. La manifestation sera intrinsèquement politique et revendiquera l'égalité pour toutes et pour tous», affirment les coprésidents de Paris 2018 Pascale Reinteau et Manuel Picaud. Quant aux visiteurs, ils seront accueillis sur le parvis de l'hôtel de ville jusqu'à la fin des épreuves. La cérémonie d'ouverture aura lieu samedi à 18 heures au stade Jean-Bouin, dans le XVIe arrondissement. Conférences et tables rondes exploreront la thématique de l'égalité tout au long de la semaine.

L'événement doit rassembler 300 000 spectateurs, pour un coût d'organisation de 4 millions d'euros, à la fois financés par les pouvoirs publics et des partenaires privés. Une première étude a estimé que la fréquentation des Gay Games devrait injecter près de 136 millions d'euros dans l'économie française. Elle devrait aussi redonner de l'attractivité LGBT à la capitale française, dont un rapport remis en juin 2017 par le maire adjoint au tourisme Jean-Luc Romero-Michel jugeait qu'elle était «en perte de vitesse».