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Libération
Disparition

Mort de Marie Humbert, mère de Vincent, qui avait relancé le débat sur la fin de vie

En 2003, son fils, tétraplégique, muet et quasiment aveugle, demandait le droit de mourir à Jacques Chirac. C'est finalement sa mère et un médecin qui avaient accédé à sa demande, donnant lieu à la loi Léonetti sur la fin de vie.
Marie Humbert le 18 juin 2008 à Paris. (Photo Jacques Demarthon. AFP)
publié le 5 août 2018 à 15h26

Elle était devenue le visage d'un combat. Quinze ans durant, Marie Humbert a milité, alerté, remué ciel et terre pour qu'évolue la législation française sur l'euthanasie, après avoir aidé son fils Vincent, grièvement blessé dans un accident de la route, à s'éteindre, en 2003. De cette lutte, elle disait à Libération en 2004 : «Jamais je ne laisserai tomber.» Marie Humbert a pourtant baissé la garde malgré elle : selon RTL, elle est décédée dans la nuit de samedi à dimanche, à l'âge de 63 ans, dans la clinique de l'Eure où elle était hospitalisée depuis un an.

La vie de cette ancienne femme de ménage, née à Lisieux (Calvados) en 1954, a basculé brutalement le 26 septembre 2000, quand le cadet de ses trois fils, Vincent, pompier volontaire de 19 ans qu'elle élève seule, a un accident de la route. Réanimé contre sa volonté, le jeune homme reste tétraplégique, muet et pratiquement aveugle. Dès lors, Marie Humbert se consacre entièrement à Vincent, hospitalisé à Berck (Pas-de-Calais). Le duo apprend petit à petit à communiquer autrement : tandis que Marie récite l'alphabet, Vincent compose des mots par de légères pressions du pouce dans la paume de la main de sa mère. Un jour, neuf mois après l'accident, celle-ci déchiffre ce message : «Je veux mourir.» Marie Humbert songe d'abord à aller en Suisse, où l'euthanasie est légale. Mais face au refus de Vincent, né en France et qui souhaite y mourir, elle en appelle au président de la République de l'époque, Jacques Chirac. Réponse de l'intéressé : «Je ne peux vous apporter ce que vous attendez.» 

Porte-voix

Commence alors un parcours sinueux et médiatique : un journaliste de RTL prête sa plume à Vincent, qui souhaite raconter son histoire. Je vous demande le droit de mourir (1) se vend à plus de 300 000 exemplaires en France. Submergée de courriers, Marie Humbert devient une figure et un porte-voix des familles désemparées pour tenter de faire légaliser l'euthanasie. «Il y a trente ans, les femmes partaient en Angleterre se faire avorter, disait-elle à Libération en 2004. Aujourd'hui, des mamans font des emprunts pour aller en Suisse faire mourir leurs enfants. Ce qui manque, c'est une femme comme Simone Veil.»

Marie Humbert finit par exaucer elle-même le souhait de son fils. En septembre 2003, elle lui injecte des barbituriques via l’une de ses perfusions ; le jour anniversaire de son accident, selon le souhait du jeune homme. Plongé dans le coma pendant deux jours, Vincent est finalement débranché par le médecin réanimateur, le docteur Frédéric Chaussoy. Lui et Marie Humbert feront l’objet de poursuites judiciaires pour ce geste, avant d’être relaxés en 2006.

«Décision courageuse»

L'histoire de Vincent et sa mère a relancé le débat sur la fin de vie en France. Votée en 2005, la loi Léonetti, du nom du député UMP d'Antibes, instaure un droit au «laisser-mourir» : les médecins peuvent décider collégialement «de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie». Pour autant, le texte ne permet pas l'euthanasie active.

«C'était une femme engagée qui a su prendre les décisions et faire face au souhait qu'avait son fils. Elle a eu une décision extrêmement courageuse : il n'y a rien de plus dur pour une mère que de donner la mort à son fils», a déclaré dimanche à l'AFP le DChaussoy. Le président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, Jean-Luc Roméro, a pour sa part rendu hommage via Twitter à Marie Humbert : «Je garderai d'elle le souvenir d'une femme si courageuse qui aura porté sans relâche les combats pour une fin de vie digne», écrit-il, adressant une pensée à Vincent et aux deux autres fils de Marie Humbert.

(1) Frédéric Veille, Michel Lafon, 2003.