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Libération
Récit

Entre les affaires Kohler et Benalla, mauvais karma sur l’Elysée

Affaire Benalladossier
Alexis Kohler est décrit comme un homme «solide et brillant». Les réactions de l’opposition montent en puissance contre la gouvernance de Macron, dont il est un rouage essentiel.
Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée le 17 mai à Paris. (Photo Stéphane de Sakutin. AFP)
publié le 9 août 2018 à 20h56

Avec l'affaire Kohler, l'entourage direct du chef de l'Etat est de nouveau exposé au soupçon judiciaire et aux attaques politiques. C'est même la clé de voûte du système Macron qui se retrouve sous les projecteurs, à la suite des nouveaux éléments fournis mardi par Mediapart sur un possible conflit d'intérêts du secrétaire général de l'Elysée, dans le cadre de ses précédentes fonctions à Bercy. Car Alexis Kohler est le centre névralgique du dispositif extrêmement centralisé voulu par le Président. Rien ne lui échappe. En symbiose avec un Macron souvent en déplacement à l'étranger, le secrétaire général de l'Elysée avalise tous les arbitrages techniques rendus à Matignon, assiste en observateur aux brainstormings politiques du Château, tout en gérant la boutique au quotidien. Sur le pont en permanence ou presque, les lumières de son bureau étant souvent les dernières à s'éteindre et les premières à s'allumer. Au risque de l'épuisement selon plusieurs de ses collaborateurs.

Allers-retours

«Kohler est un homme solide et brillant», apprécie un interlocuteur du Président qui, sans se prononcer sur le fond du dossier, en redoute toutefois le contrecoup : «Je pense qu'il le vit mal. Ça ne le fragilise en rien vis-à-vis de l'opinion, qui ne le connaît pas, mais dans l'exercice de son travail, c'est délicat. Kohler n'est pas un politique. Il n'est pas blindé face à ce genre de choses. On entre dans une zone de fragilité qui atteindrait la structure du pouvoir s'il était mis en cause». Avis partagé par un autre soutien de Macron : «Même s'il n'y avait rien de répréhensible en droit, une mise en cause affaiblit psychologiquement dans le regard de ses interlocuteurs. Quand on n'y est pas préparé, cela ébranle forcément. Mais seul Kohler est en mesure de dire à quel point, et s'il lui faut en tirer les conséquences».

Redoute-t-on, chez LREM, d'achever l'été comme il avait commencé, sous la menace d'une nouvelle affaire ? «Alexis Kohler incarne au mieux l'intégrité et la droiture, balaye le député macroniste Laurent Saint-Martin. Macron l'a choisi pour ça : c'est quelqu'un d'extrêmement soucieux des procédures, qui ne joue pas avec les règles. Nous avons une confiance absolue dans l'homme. La question que cela pose est plus large, c'est celle des allers-retours entre public et privé.»

Doute

Alors que les premières révélations de Mediapart remontent à début mai, l'opposition est pour l'heure restée relativement discrète sur l'affaire Kohler. Mais le dossier Benalla pourrait l'inciter à muscler son jeu. C'est que le peu de contrôle que semblait exercer la hiérarchie de l'Elysée sur certains proches collaborateurs du Président et la minimisation initiale des fautes commises ont semé le doute dans l'opinion sur la vigilance, voire sur la probité des promoteurs de la «République exemplaire». «En un an au pouvoir, le macronisme a déjà toutes les tares de la Ve République», juge le député LFI Alexis Corbière, dénonçant«barbouzerie» et «consanguinité oligarchique», et qualifiant Alexis Kohler de «Benalla des milieux d'affaires».

«Cela commence à faire beaucoup : "la République irréprochable" prend l'eau de toute part», renchérit le patron des députés Les Républicains Christian Jacob. Jugeant qu'on «n'en est qu'au début» de l'affaire, l'élu dit attendre de «voir comment évoluera ce qui relève de la justice». Mais n'écarte pas de demander «une seconde commission d'enquête à la rentrée».

Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, n'est pas moins sévère : «Tout est fascinant avec ce clan qui dirige la France et se protège de manière systématique par le mensonge. Cette affaire ne peut pas être une question secondaire, d'autant moins si le débat constitutionnel, et l'affaiblissement des contre-pouvoirs qu'il implique, revient à la rentrée.» Mais le socialiste reconnaît que «ce combat n'est pas le plus évident à court terme pour les Français, plutôt préoccupés par d'autres sujets, ce sur quoi joue le pouvoir».