Que s'est-il précisément passé, mardi soir dans le IXe arrondissement de Paris ? Un homme de 26 ans, originaire de Draveil (Essonne), a été mortellement blessé par le tir d'un policier, à l'issue d'une course-poursuite dans les rues de la capitale. Au volant de sa voiture, le jeune aurait refusé de se soumettre à un contrôle routier boulevard de Sébastopol, préférant prendre la fuite, a confirmé à Libération la préfecture de police. Le policier, âgé de 23 ans, serait monté à l'arrière du scooter d'un particulier et aurait pris en chasse la voiture. Une course-poursuite qui a mené les deux véhicules rue Condorcet, dans le IXe arrondissement. Bloqué par un autre véhicule, le fuyard aurait alors enclenché la marche arrière et percuté le deux-roues qui se trouvait juste derrière. C'est à ce moment-là que le policier aurait tiré.
Vidéos. Le parquet de Paris a ouvert une enquête pour «violences volontaires avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner», confiée à l'Inspection générale de la police nationale et au premier district de police judiciaire. Placé en garde à vue dans la foulée, le policier était toujours interrogé mercredi soir. Libération a pu recueillir deux récits de personnes qui ont assisté à la scène. Un témoin de 16 ans se trouvait dans un appartement de la rue Condorcet avec des amis quand il a entendu des cris. Il a filmé les instants qui ont suivi le tir, des vidéos que Libération a pu visionner. Sur les images, on voit le conducteur de la voiture les mains dans le dos, face contre terre. Le policier est accroupi à côté de lui. «Au début on a juste entendu des cris, raconte le témoin. Un ami est sorti quelques secondes avant le tir. Il a vu le policier braquer son arme sur le conducteur. Le policier se tenait à l'avant gauche de la voiture [côté conducteur, ndlr].»
«Ecrasé». Au moment où le témoin est sorti de l'immeuble de la rue Condorcet, à une distance de cinq à dix mètres de la scène, le policier était en train d'extraire le conducteur de l'habitacle de la voiture. Selon son récit, la balle tirée par le gardien de la paix aurait traversé la vitre de la portière conducteur sans la briser. C'est le policier qui l'aurait ensuite cassée pour ouvrir et sortir le jeune homme de son véhicule. «Il l'a secoué un peu contre la voiture, l'a attrapé par les épaules et l'a mis au sol, avant de le menotter, poursuit le témoin. Au début, il ne faisait pas attention à son état de santé. Il l'a écrasé avec son genou, il y avait du sang qui coulait. L'homme a commencé à trembler et à ce moment là le flic s'est s'occupé de lui, en lui faisant des points de compression.» Le témoin raconte que le policier a utilisé l'écharpe du conducteur du scooter - qui se tenait à l'écart de la scène - pour apporter les premiers soins à la victime. «Ça saignait au niveau de l'épaule gauche dans son dos. Ensuite, d'autres policiers sont arrivés et nous ont demandé de reculer.»
A ce témoignage s'ajoute celui de Karim, restaurateur de la rue Condorcet qui était dehors avant le tir. Lui aussi a été alerté par des cris. «La voiture est arrêtée car une autre bloque devant. Le policier court à côté, il s'arrête. La voiture du jeune homme fait une marche arrière, le policier se trouve au niveau du conducteur. La voiture percute le scooter, le policier tire : il est à 45° face au mec», corrobore Karim. Le restaurateur, qui était de l'autre côté de la voiture, se trouvait également à une distance qu'il évalue à cinq ou dix mètres. «Il ouvre la porte, fait sortir le jeune homme, lui dit de se coucher et le jeune homme refuse. Il le met par terre tout en le secouant. Je fais le tour de la voiture, je le vois l'allonger. Il était déjà menotté avant que je ne fasse le tour. Le policier le maintenait, essayait de le mettre en PLS [position latérale de sécurité, ndlr].» Karim a entendu le gardien de la paix, talkie-walkie en main, indiquer sa position. Ensuite, le fonctionnaire a parlé à la victime, poursuit le témoin. «Il essayait de voir s'il allait bien. Il avait les yeux ouverts, il haletait. Le policier a utilisé son pied comme coussin pour la tête du jeune homme.»
«Torchons». Karim a ensuite proposé son aide, que le policier a acceptée. Le restaurateur a plié les jambes du jeune «pour le mettre dans une bonne PLS». Selon lui «le policier a fait de son mieux». Karim est retourné dans son établissement pour aller «chercher des torchons propres». A son retour, des agents arrivés en renfort ont bouclé le périmètre. Selon Karim, «la balle aurait transpercé le bras et perforé le thorax». D'après l'AFP, le jeune homme était connu de la justice et faisait l'objet, depuis février, d'une procédure pour «conduite malgré une annulation de permis» et «refus d'obtempérer exposant autrui à un risque de mort ou d'infirmité». Mercredi, des traces de sang étaient encore visibles sur la chaussée de la rue Condorcet, à l'endroit où est mort le jeune homme.