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ZAD de Notre-Dames-Des-Landes «Le visage de Vigneux aurait changé»

La commune revit depuis la décision du gouvernement. Certains habitants saluent le «courage» des zadistes.
publié le 16 août 2018 à 20h06

Véronique vit dans un petit écrin de verdure. Cette mère de cinq enfants habite à la Freuzière, un petit hameau de longères magnifiquement restaurées en pierres apparentes, à Vigneux-de-Bretagne (Loire-Atlantique). Cette commune périurbaine, à quinze minutes du périphérique nantais, aurait dû accueillir avec sa voisine de Notre-Dame-des-Landes, le futur «aéroport du Grand Ouest». Mais en janvier, le projet a été abandonné par le gouvernement.

«J'étais hypercontente, dit Véronique. Quand on a acheté ici, il y a treize ans, on ne pensait pas que l'aéroport allait se faire : mon père, il y a cinquante ans, en entendait déjà parler», se souvient cette femme de 48 ans. Du coup, quand la menace s'est faite plus précise, la mère de famille s'est inquiétée : elle a «signé des pétitions» et «manifesté», comme tant d'autres ici, pour préserver leur cadre de vie. «Quand vous regardez les photos aériennes du secteur, beaucoup de gens ont des piscines», fait remarquer Frédéric, son mari, professeur de hautbois au conservatoire de Nantes. Un autre habitant du village se rappelle qu'«une agence immobilière ne voulait même pas visiter [sa] maison du fait de la proximité des pistes du futur aéroport… Il y avait un effet répulsif».

En attendant, même s'il ne se fera pas, le projet a bien gâché la vie de Véronique et Frédéric : leur fille s'est par exemple «fâchée avec sa meilleure copine» du lycée, car cette dernière soutenait que «les zadistes étaient des malfrats». Leur voisine Anna, 55 ans, rend au contraire hommage aux occupants de la zone à défendre (ZAD). «C'est grâce à eux si le projet ne se fait pas : je ne sais pas si nous, les riverains, on aurait été aussi courageux qu'eux», lance cette ancienne adhérente de l'Acipa, la principale association d'opposants.

Courage. Tout le monde ne partage pas son avis à Vigneux-de-Bretagne. Comme le maire, Joseph Bézier, qui était «plutôt favorable» au projet, pour «raisons économiques». Ce retraité de 66 ans, autrefois ébéniste aux chantiers navals de Nantes, en est convaincu : «Le visage de Vigneux aurait changé, même s'il y aurait certainement eu des nuisances… Un aéroport, cela fait fuir une partie de la population, mais ça en attire d'autres.» Mais quand la décision est tombée, Joseph Bézier a tout de même ressenti un certain soulagement : ses administrés étaient «lassés» de ne pas savoir à quelle sauce ils allaient être mangés. «Il y a au moins une chose qu'on peut mettre au crédit de Macron et du gouvernement, celle d'avoir pris une décision, positive le maire de Vigneux. Avant eux, personne ne l'avait fait, par manque de courage politique.»

La pilule est plus dure à avaler à la Paquelais, le second «centre» de la commune, à 3 kilomètres du bourg historique de Vigneux. Ne leur parlez pas des zadistes. La fermeture pendant toutes ces années de la D281, la fameuse «route des chicanes» barrée par les opposants au projet d'aéroport, a fait beaucoup de tort aux commerçants : le bar-tabac a fermé, tout comme la boulangerie, la pharmacie et le restaurant. Le boucher-charcutier, lui, ne se fait «pas d'illusions» : il s'apprête à prendre sa retraite dans deux ans sans avoir de successeur, bien que l'échoppe soit tenue de père en fils «depuis 160 ans». Pascal Allain attend simplement de voir si les habitués des balades dominicales dans la forêt du Gâvre, entre Nantes et Redon (Ille-et-Vilaine), reprendront la D281 aujourd'hui dégagée (lire encadré).

«Invendable». «Avec la fermeture de la route, les gens ont perdu l'habitude de passer par ici… Ils prennent plutôt la 2 × 2 voies Nantes-Vannes», s'inquiète le boucher. A un pâté de maisons de là, sa belle-sœur s'efforce elle aussi de tenir le choc. Catherine Allain, 55 ans, n'a pas trop le choix, à vrai dire : son salon de coiffure est «invendable», de son propre aveu. Il y a dix ans, elle l'avait pourtant remis à neuf, quand le projet d'aéroport était toujours d'actualité et qu'elle avait encore deux salariées. «Je ne demande pas à ce que l'Etat rachète mon commerce, mais au moins qu'il impulse une dynamique», répète la commerçante. La proximité des zadistes a en effet fait fuir une partie de sa clientèle, «surtout les personnes âgées».