Près d’un mois après le terrible incendie qui avait fait quatre morts au sein d’une même famille dans une tour HLM à Aubervilliers, un nouveau sinistre s’est déclaré dans la commune de Seine-Saint-Denis, dimanche en fin d’après-midi. Sept personnes, parmi lesquels cinq enfants, étaient hospitalisées dans un état grave lundi, a déclaré la maire (PCF) de la ville, Meriem Derkaoui.
Les causes de l'incendie ne sont pas encore connues mais selon les premières constatations, l'origine du sinistre ne serait pas criminelle. Au lendemain de l'incendie, la façade du 43 de la rue Heurtault est peu marquée par les flammes. Au rez-de-chaussée, l'entrée de l'épicerie est barrée par les rubans de la police municipale. Le feu s'est déclaré dans les combles de ce petit immeuble modeste d'un étage avec combles. Une partie du toit, visible depuis la rue, a été consumée par les flammes. L'une des adjointes à la maire, Sophie Vally, concède que l'immeuble était apparemment «assez vétuste». Lors du sinistre, policiers et pompiers ont évacué une vingtaine de personnes, épaulés par des riverains. Le feu a été entièrement circonscrit au bout de deux heures par la centaine de pompiers déployés.
Habitat indigne
Quatre ou cinq habitants d'Aubervilliers seraient intervenus avant l'arrivée des pompiers aux côtés des policiers. L'un d'eux, Steve, est revenu sur les lieux le lendemain matin. «J'étais en train de boire un café en terrasse quand j'ai vu les flammes. Je suis monté pour essayer de sortir des gens», a-t-il raconté. L'homme, superficiellement brûlé au bras, aurait permis l'évacuation d'une petite fille. «S'il n'y avait pas eu l'intervention des jeunes, il y aurait eu plus de dégâts», assure-t-il. L'immeuble était-il surpeuplé ? «Comme dans tout Aubervilliers», soupire Marc, un voisin qui n'était pas là quand le feu s'est déclaré. Une autre voisine, témoin direct, raconte qu'elle n'en a «pas dormi de la nuit», se disant «traumatisée».
Plus de 80 000 habitants vivent dans cette commune de Seine-Saint-Denis, le département francilien le plus touché par l'habitat indigne. L'immeuble en proie aux flammes dimanche, contrairement à la tour qui a pris feu le 26 juillet (propriété de l'office municipal de HLM), est un immeuble privé. Il n'était pas enregistré comme un bâtiment d'habitation par la mairie. «Pour la ville d'Aubervilliers, ce ne sont pas des logements», a déclaré Meriem Derkaoui, s'interrogeant sur les «conditions dans lesquelles cette habitation était occupée». Selon les services municipaux, le bail dont dépend l'édifice est un contrat à caractère commercial, et non un bail d'habitation. «Il n'y avait aucune autorisation d'urbanisme d'occupation en tant que logement. On est remonté jusqu'à 2000», a poursuivi Meriem Derkaoui.
Marchands de sommeil
Selon plusieurs témoignages, en partie corroborés par la maire, le bâtiment était occupé par des membres d'une même famille, liés aux gérants de l'épicerie du rez-de-chaussée. Un fonctionnaire de la Ville avance, sans certitude, le nombre de treize personnes qui cohabitaient entre ces murs. Des appartements y avaient-ils été aménagés ? S'agissait-il d'un immeuble aux mains d'un marchand de sommeil, ces propriétaires peu scrupuleux qui profitent des personnes les plus précaires en leur louant des biens vétustes ou insalubres ? Meriem Derkaoui n'a pas tranché ce point, demeurant vague sur l'identité du bailleur. «C'est une famille qui hébergeait de la famille», a-t-elle lâché face à la presse, après avoir pourtant fait part de sa volonté de lutter contre les marchands de sommeil au cours de la même allocution. Contactée par Libération, la mairie a déclaré plus tard dans la journée ne pas être en possession «d'éléments précis sur le propriétaire».
Dimanche soir, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, a témoigné sur Twitter de ses pensées «aux blessés et aux personnes hospitalisées», imité ensuite par le secrétaire d'Etat en charge du Logement, Julien Denormandie, qui a rappelé que la commune avait été «deux fois dramatiquement touchée en un mois». Des propos relevés par Meriem Derkaoui, qui interpelle le gouvernement et attend «des moyens financiers. Il n'est plus possible aujourd'hui de continuer ainsi. […] Il faut se mettre autour d'une table». Une enquête a été ouverte, confiée aux policiers de la Sûreté départementale de Seine-Saint-Denis.