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Libération
Éditorial

Double danger

publié le 23 août 2018 à 21h16

Louable prudence des autorités françaises. A priori, l’assassin de Trappes avait toutes les apparences d’un terroriste jihadiste comme on en a vu si souvent ces derniers temps : fiché depuis des années, repéré pour apologie du terrorisme, proférant, selon des témoins, le cri d’«Allah akbar» en usant de la méthode barbare préconisée encore la veille par le fondateur de Daech. Mais l’affaire se complique quand on apprend que le meurtrier, selon Gérard Collomb, avait des antécédents psychiatriques et qu’il a tué… sa mère et sa sœur. La piste du «drame familial» prend de la consistance, même s’il faut rester, face à ce crime atroce, d’une prudence tout aussi circonspecte, alors que l’enquête vient à peine de commencer. Double danger en ces temps complotistes : qualifier de terroriste un acte qui ne l’est pas mais qui relève du fait divers, c’est alimenter les fantasmes trop souvent répandus, qui accusent les autorités de jouer la peur et la stigmatisation de l’islam. Mais répugner à le faire quand les éléments sont là, c’est nourrir une paranoïa symétrique, selon laquelle l’Etat sous-estimerait la menace, n’oserait pas désigner l’ennemi et chercherait à échapper à ses responsabilités en matière de sécurité.

Plus intéressante est l’hypothèse qui découle des propos ministériels. A suivre Gérard Collomb, à observer la prudence de la justice, on comprend que l’EI aurait revendiqué un attentat sans en être ni l’auteur ni l’inspirateur, comme l’organisation terroriste l’a déjà fait à deux ou trois reprises. Dans ce cas, on peut y voir un indice : celui de l’affaiblissement d’une phalange de fanatiques sanguinaires, délogés du territoire qu’ils occupaient et traqués dans leurs retranchements. Si ce scénario se confirme, on peut en conclure que, malgré les drames, les épreuves, les tragédies, la lutte contre le terrorisme marque des points.