Difficile de changer de costume. Il y a un an, pour sa première rentrée depuis son élection à l’Elysée, Emmanuel Macron entendait les premières notes d’une petite musique, celle du «président des riches», qui allait accompagner sa majorité à l’automne lors de l’examen du premier budget de son quinquennat. Cette année, Macron aimerait de nouveaux habits : ceux d’un président qui agit en faveur des plus fragiles.
Pas gagné : selon notre sondage Viavoice, 66 % des Français ont «le sentiment que le président de la République et le gouvernement ne sont pas ou peu engagés depuis le début du quinquennat en matière de politique sociale et de lutte contre les inégalités». Parmi eux, 40 % les trouvent «peu engagés» et 26 % «pas du tout engagés». Un (res)sentiment très marqué chez les sympathisants de gauche – 82 % d'entre eux jugent l'exécutif «pas ou peu engagé» – mais aussi à droite (65 %). «Cette résurgence des difficultés économiques et sociales, inédite depuis le début du quinquennat […] s'apparente finalement à une épreuve de vérité pour le président de la République et le gouvernement», analyse le directeur des études politiques de Viavoice, Aurélien Preud'homme.
Frustration
Après l'affaire Benalla et les débats sur la réforme constitutionnelle, «la situation économique et sociale en France» a donc toutes les chances de devenir le prochain champ de bataille entre la majorité et les oppositions. Et pour cause : deux tiers des sondés dans cette enquête se disent «inquiets» en la matière, dont une très grande majorité des sympathisants de gauche (76 %), de droite (79 %) et du Rassemblement national, ex-FN (85 %). Une inquiétude qui se retrouve dans les «priorités» réclamées : en tête, «la relance de l'économie et de l'emploi» (55 %), devant «l'amélioration du pouvoir d'achat» (49 %) et la «lutte contre la pauvreté» (37 %). Loin, très loin devant «la relance du projet européen» (8 %) chère à Macron.
Et ce ne sont pas les annonces du Premier ministre, Edouard Philippe, dimanche dans le JDD, qui vont inverser la tendance : le quasi-gel de trois prestations sociales (APL, pensions de retraite et allocations familiales) devrait fédérer toutes les oppositions prêtes à défendre la frustration des retraités modestes.
Pour autant, il y a aussi dans notre sondage quelques vrais motifs de satisfaction pour l'exécutif. Les fondamentaux macronistes en matière de politique sociale – que l'on peut résumer ainsi : moins de prestations mais plus d'accompagnement vers la réinsertion– sont très majoritaires dans la société française. Les personnes interrogées par Viavoice jugent en effet «prioritaires» la mise en place de mesures destinées à «investir davantage dans l'éducation, la formation et l'apprentissage» (61%), à «valoriser l'accompagnement pour aider les publics en difficulté à se réinsérer» (43 %) voire à «diminuer des minima sociaux et augmenter les contrôles pour décourager l'"assistanat"» (42 %). «Augmenter les minima sociaux» est, à leurs yeux, bien moins «prioritaire» (24 %). Exactement ce qu'Emmanuel Macron a porté dans son discours devant le Congrès le 10 juillet : «La stratégie de lutte contre la pauvreté […] ne se contentera pas de proposer une politique de redistribution classique, mais une politique d'investissement et d'accompagnement social, avait lancé le chef de l'Etat aux députés et sénateurs. Non pas de nouvelles aides en solde de tout compte mais un accompagnement réel vers l'activité, le travail.»
Popularité
A Versailles, le Président avait également rappelé un élément essentiel du macronisme à ceux, y compris dans sa majorité, qui attendaient un «virage social» : «Il n'y a pas d'un côté une action économique et de l'autre une action sociale.» «C'est le même trait, la même finalité: être plus forts pour pouvoir être plus justes», avait-il insisté.
Sur ce point-là, le chef de l'Etat peut aussi s'appuyer sur une partie de l'opinion : pour lutter contre la pauvreté, 57 % des personnes interrogées dans cette enquête privilégient la «relance de l'économie», contre 31 % pour qui «améliorer les politiques sociales» doit être la «priorité». Une ligne partagée très majoritairement par huit sympathisants de droite sur dix, mais également une part importante (quatre sur dix) de personnes se déclarant à gauche.
Enfin, dans leurs quêtes d'économies pour boucler le budget 2019 et respecter leurs engagements européens, Emmanuel Macron et son gouvernement devraient trouver quelques soutiens : 55 % des personnes interrogées approuvent la réduction des déficits, «quitte à réduire les budgets des services publics». Parmi eux, trois quarts des sympathisants de la majorité, de droite mais aussi près de 40 % des sympathisants de gauche. Ce ne sera pas de trop pour espérer inverser une cote de popularité qui a perdu pas loin de dix points depuis le début de l'année. Avec seulement 36 % de «bonne opinion», Emmanuel Macron et Edouard Philippe chutent toujours (-1 point par rapport à juin) dans notre sondage. Si le chef de l'Etat engrange six points de plus chez les sympathisants de la majorité, il en perd le même nombre à gauche et onze à droite. Des soutiens en moins qu'il pourrait justement aller grappiller, lors de cette rentrée, sur les questions économiques, sociales et budgétaires.