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Libération

Un magasin Intermarché a-t-il tenté d’interdire les congés estivaux ?

Le directeur d’un supermarché de l’Hérault avait soumis cette proposition au vote de ses salariés. La direction de l’enseigne a désavoué l’initiative.
publié le 26 août 2018 à 20h16

Samedi, la direction nationale d’Intermarché a décidé de mettre fin publiquement à l’expérience initiée par le directeur de son enseigne de Villemagne-l’Argentière (Hérault), estimant que le référendum sur les congés estivaux proposé aux employés du magasin n’avait aucune valeur. Rideau momentané, en attendant des nouvelles des principaux protagonistes, à commencer par l’instigateur du référendum et le(s) lanceur(s) d’alerte.

L’histoire : dans un courrier daté du 31 juillet - qui a fuité sur les réseaux sociaux ces derniers jours - le directeur de ce magasin s’est mis en tête de sécuriser ses étés. En substance : les salariés ne devraient plus partir en juillet-août et laisser leur place à des saisonniers moins bien formés, donc moins performants.

Cœur. Dans cette lettre, il écrit, en introduction : «Il faut savoir tirer les leçons de nos erreurs. Avoir accepté de mettre en place des congés payés en juillet et août est pour moi une erreur.» Le scrutin a été pensé avec une touche de fair-play : l'unanimité était fixée à 60 % de oui - et non pas 50 ou 51 - pour commencer la (contre-)révolution. Sauf que l'exercice n'était pas anonyme et que les abstentions étaient comptabilisées comme des «oui».Sa justification : «Je veux votre implication dans cette décision qui va dans le seul objectif qui nous rassemble tous : être au service de nos clients qui font notre salaire à tous.» Et : «Ensemble, nous sommes fort… Seul nous sommes rien…» - le tout en majuscules avec quelques fautes d'orthographe.

L'affaire, qui présentait au départ tous les attributs du beau canular - la trame du courrier, se terminant par un «je suis favorable à la suppression des congés de juillet-août» avec un oui et un non à entourer comme dans un jeu-concours - est rapidement devenue l'un des feuilletons de la semaine. Intermarché fut alpagué de tous bords (notamment sur Twitter, comme le veut la coutume en temps de polémique), tandis que le directeur auteur de la lettre (dont la photo s'est mise à circuler sur les réseaux sociaux) défendait son initiative sur Facebook : les lois du travail lui tenant à cœur, il ne pouvait à aucun moment envisager un passage en force. D'où l'idée du référendum. Au service CheckNews de Libération, Emmanuel Mauger, avocat spécialiste du droit du travail, a rappelé que le procédé n'avait aucune valeur juridique : «Une consultation des salariés, quand elle est prévue dans le code du travail, est là pour valider un projet d'accord d'entreprise, ce qui n'est pas le cas ici. L'employeur, en l'espèce, essaie seulement d'habiller sa propre décision d'une pseudo-consultation démocratique.»

Morale. La direction nationale d'Intermarché a répondu ce week-end à nos confrères du Parisien, lesquels avaient révélé l'histoire : «Les points de vente locaux sont des entreprises indépendantes et il ne nous appartient pas de fixer leur politique de ressources humaines. Mais dans ce cas précis, ce référendum ne respecte pas la réglementation du secteur. Il est donc nul et non avenu et les résultats ne seront pas pris en compte.» A Villemagne-l'Argentière, les salariés avaient déjà été sollicités en début d'année pour l'organisation des départs en vacances. Essentiellement un rappel des règles en la matière. En conclusion, la direction du magasin avait encore glissé une morale, aux allures de verset : «J'organise ma vie privée en fonction de mon travail et non l'inverse.»