Remplacement ponctuel ou gouvernement Philippe III ? Ni l'Elysée ni Matignon n'ont souhaité trancher mardi la question ouverte par le départ de Nicolas Hulot, renvoyant aux prochains jours cet imprévu remaniement. «Il y aura un remaniement, mais pas dans l'immédiat», a fait savoir l'entourage de Macron. «Je ferai des propositions au Président dans les jours qui viennent pour prendre en compte cette démission», a confirmé Philippe en milieu de journée, en marge d'un discours devant les ambassadeurs réunis à Paris.
«On va faire ça dans le calme, il n'y aurait rien de pire que de procéder à la va-vite», ajoute l'entourage du Premier ministre. Matignon semble, dans l'immédiat, surtout soucieux de faire valoir le bilan environnemental de l'exécutif, mis à mal par les amères déclarations de l'ex-ministre. «Qui a fait plus que nous depuis dix ou quinze ans ?» questionne un proche d'Edouard Philippe - élément de langage que les députés LREM ont fidèlement dupliqué tout au long de la journée de mardi.
De retour jeudi soir d'un déplacement de trois jours au Danemark et en Finlande, Emmanuel Macron présidera le lendemain le Conseil des ministres, puis un séminaire censé baliser l'action gouvernementale pour les mois à venir. Mais rien n'impose que le nouveau ministre de la Transition écologique soit nommé avant ces rendez-vous. Avec ou sans lui, «l'administration travaille», assure Matignon.
Critère. Qui, malgré tout, pour poursuivre l'œuvre interrompue de l'ancien présentateur ? Sauf modification de son rang protocolaire - le troisième du gouvernement, après Edouard Philippe et le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb -, le poste appelle une personnalité de poids. Et, idéalement, connue des Français : dans une récente enquête de l'institut Viavoice, réalisée pour Libération, seuls 6 % des sondés déclaraient «ne pas connaître» le ministre Hulot. Atout remarquable, quand ce taux s'échelonnait de 25 % à 52 % pour la plupart de ses collègues. A quoi s'ajoute un critère politique, le départ de l'écologiste diminuant le poids relatif de la gauche au sein d'un gouvernement voulu équilibré. Selon un conseiller ministériel, ces critères disqualifient par exemple le besogneux secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu, rattaché au ministère de la Transition écologique : «Un type plein de qualités mais qui n'a pas le même poids, et qui est de droite.» Reste à savoir, enfin, si c'est à nouveau une personnalité de la société civile qui sera retenue. Le cas Hulot et celui d'autres ministres illustrent les limites de ce personnel novice en politique, mal préparé aux contraintes du pouvoir ou à l'exposition médiatique.
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Interrogés par Libération ces dernières semaines, plusieurs représentants du gouvernement ou de la majorité écartaient l'idée d'un remaniement d'automne. «Macron, il n'aime pas trop le changement, estimait début août un député LREM. Vous lui mettez les mêmes ministres pendant cinq ans, ça lui va.» De son côté, un ministre renvoyait l'échéance «aux élections européennes, la bonne fenêtre pour ne pas donner l'impression d'un remaniement subi. Le Président pourra dire qu'il change d'équipe pour s'engager totalement dans cette bataille capitale».
Maillons faibles. La défection de Nicolas Hulot précipitera-t-elle cette retouche ? Pour un proche de Macron, «soit un remplaçant de poids succède à Hulot, soit c'est un profil moins ambitieux et il faut un remaniement plus large pour habiller la chose». Le chef de l'Etat pourrait décider de libérer un ministre pour le laisser conduire la liste LREM aux européennes de mai - circulent les noms de Christophe Castaner, patron du parti et secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, et de Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes. Autre raison de réattribuer plusieurs postes : la situation de ministres qui, bien qu'officiellement soutenus par Matignon et l'Elysée, sont régulièrement désignés comme des maillons faibles du gouvernement. Critiquée pour son manque d'envergure, la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, est aussi fragilisée par une enquête visant des travaux non autorisés dans les locaux des éditions Actes Sud, dont elle était présidente jusqu'à son entrée au gouvernement. Même incertitude autour de l'ombrageux ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard : en juillet, celui-ci a presque ouvertement tiré contre son camp, critiquant à demi-mot dans la presse la raideur de l'exécutif vis-à-vis des élus locaux.
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