Un moment de radio, une drôle d'interview politique. «C'était fou, comme peut l'être le direct», confie à Libération Nicolas Demorand. Comme tout le monde, aux côtés de sa consœur Léa Salamé, le matinalier de France Inter a appris la décision de Nicolas Hulot de démissionner au moment où le ministre de l'Ecologie l'a annoncé à l'antenne. L'invitation, liée à la présence des chasseurs à l'Elysée lundi, avait été «lancée il y a plusieurs jours, définitivement confirmée hier : c'est le processus de programmation le plus classique possible», poursuit le journaliste.
Demorand a d'ailleurs attaqué l'entretien sur les aléas climatiques de l'été, bien loin de la petite politique et du maintien de Hulot au sein du gouvernement. Dans une vidéo publiée par Inter, Léa Salamé raconte qu'il n'était pas prévu de lui poser cette question avant la fin de l'interview : «On décide de remonter la question parce qu'on sent qu'il y a un tel moment de sincérité. On voit un Nicolas Hulot qui est au bord des larmes. Sa voix est sourde, son visage est fermé. Et là, quelle ne fut pas notre surprise.» Pendant le direct, un «vous êtes sérieux?» a même échappé à la journaliste après que l'ex-caution environnementale d'Emmanuel Macron a lâché sa bombe.
«Tout le monde est tombé des nues», relate à son tour Pierre Haski, le nouveau chroniqueur international de la matinale de France Inter. «C'est incroyable. Hulot est arrivé avec un collaborateur. Avant l'interview, on discutait tous dans le salon où on prend le café avec les invités. Il y avait Laurence Bloch (directrice d'Inter), Thomas Legrand (chroniqueur politique), etc. Rien ne laissait présager ce qui allait se passer ensuite. Hulot a raconté que la présence à l'Elysée de Thierry Coste, le lobbyiste des chasseurs, l'avait énervé. Il a parlé de la loi biodiversité, en disant qu'il y aurait tout ce qu'il voulait dedans mais en se demandant s'il aurait les moyens. On avait en face de nous le Hulot qui grogne, dont on a l'habitude, mais il se projetait dans l'avenir.»
D'ordinaire, les personnalités politiques qui souhaitent faire du bruit avec une annonce s'invitent eux-mêmes dans une matinale radio (ou un journal télévisé), préviennent leurs intervieweurs en amont et attaquent sans attendre avec ce qu'ils sont venus déclarer. Là, rien de tout ça. Il a fallu attendre six minutes, une éternité au regard du rythme d'une matinale, pour que Hulot prononce la phrase. «Il avait décidé de démissionner, mais il devait l'annoncer dans plusieurs semaines. Il ne savait pas, en entrant dans le studio, s'il allait le dire ou pas», a expliqué à BFM TV Thomas Legrand, qui a raccompagné le ministre dans l'ascenseur après son passage sur Inter. Comme si les questions de Demorand et Salamé avaient définitivement convaincu Hulot de se lancer, sur un coup de tête. Ce qui n'est finalement pas si surprenant, vu le personnage.