Un hasard qui tombe à pic. Le jour même où Jean-Luc Bennahmias, figure tutélaire des écologistes français, et Emmanuelle Raimondi livrent un ouvrage intitulé Les paradoxes de Monsieur Hulot, le ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire, habitué et habité par des vagues à l'âme constants, annonçait le matin même sa démission. Pas vraiment une surprise pour l'ancien secrétaire général des Verts qui, en 2007, avait œuvré pour que l'animateur télé se présente à la présidentielle.
Depuis des mois, Nicolas Hulot laissait planer le doute sur son maintien ou non au sein du gouvernement. Sa décision a-t-elle été mûrie, est-elle irraisonnée ou correspond-elle aux paradoxes du personnage recensés dans votre livre ?
Cela correspond totalement aux paradoxes du personnage. En début d’été, il s’était forgé un axe prioritaire, celui de la biodiversité. En fonction de cela, ayant trouvé du grain à moudre, on pouvait penser qu’il allait rester au gouvernement. Mais, dimanche, il y a eu cette rencontre avec les chasseurs. Pour lui, il ne s’agit en aucun cas d’un prétexte. Il n’a pas besoin de s’inventer un motif pour être fidèle à ses convictions. Le prétexte, il s’en moque. À cela il faut ajouter le côté anxiogène de l’homme en butte à ses propres convictions. Je pense qu’il a dû faire son bilan. Il a dû se dire qu’il n’avait pas gagné ni sur le glyphosate, ni sur la transition énergétique, ni sur l’alimentation.
Est-ce qu’il a vraiment mesuré les conséquences politiques de sa décision ou est ce que cela, finalement, lui importe peu ?
Certainement, il a dû y penser. Mais ce n’est pas la première fois qu’il prévient Edouard Philippe ou Emmanuel Macron de ce qu’il fait ou ne fait pas. Je ne prendrais que deux exemples. Il n’était pas présent à la Maison de l’Amérique latine quand le président de la République, flanqué de plusieurs ministres, y a fait un saut pour saluer les députés LREM en pleine affaire Benalla. Hulot n’y est pas allé. De même qu’à l’issue des états généraux de l’alimentation, qu’il devait conclure, il était absent.
Quelles sont les conséquences de cette démission pour le gouvernement d’Édouard Philippe ?
Je souhaite beaucoup de plaisir au successeur de Nicolas Hulot à ce poste après ce qu’il a dit ce matin sur France Inter sur toutes les difficultés qu’il a eu à remplir sa tâche, avec des arbitrages qui lui ont été toujours défavorables et pas une volonté franchement affirmée de ce gouvernement par rapport aux questions environnementales. Et ce président n’est pas spécialement performant sur toutes les questions écologiques. Il recule même à peu près sur tous ces sujets. Pendant ce temps, Nicolas Hulot a multiplié les pirouettes pour dire qu’il allait continuer à se battre et ne rien lâcher. Hulot a toujours dit à Macron que, si sur ces questions, ils n’y parvenaient pas ensemble, leur responsabilité à tous deux serait engagée.
Est-ce que ce n’est pas une dérobade de la part de Nicolas Hulot qui, finalement, a renoncé à se battre ?
Ce n’est absolument pas une dérobade. Dans notre livre, nous disons que, de toute façon, sa démission était inéluctable. Dans cette décision, annoncée de manière un peu mélodramatique, on retrouve tout le personnage de Hulot. Avec ses paradoxes, la manière dont il envisage de gérer sa vie et dont il le fait. Il a pris sa décision. De la même manière qu’il a décidé de ne pas aller à la présidentielle de 2006 ni de 2017. On ne fait pas faire à Nicolas Hulot ce qu’il n’a pas envie de faire.
Les paradoxes de Monsieur Hulot. Jean-Luc Bennahmias et Emmanuelle Raimondi. Edition de l'Archipel. 272 pages. 18 euros.