Annoncer qu'il renonce, comme ça, sans prévenir ses proches, Nicolas Hulot l'a déjà fait. C'était le 6 juillet 2016. Par un texte diffusé sur les réseaux sociaux et communiqué à l'AFP, l'ancien animateur déclare «après mûre réflexion» qu'il renonce à se présenter à l'élection présidentielle de 2017.
«Nous étions très peu à le savoir, se remémore Pascal Durand, ami de Hulot et l'un de ses proches soutiens. Il nous avait prévenus la veille, sa décision était faite.» L'ancien numéro un d'Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV) et député européen n'est donc absolument pas surpris de cette démission en direct à la radio, sans prévenir personne avant. «Il fonctionne comme ça. Ce n'est pas un homme politique et il ne le sera jamais», souligne Durand auprès de Libération. «Nicolas ne fonctionne pas avec une rationalité politique traditionnelle, il n'est pas dans le calcul, poursuit l'ex-eurodéputé Jean-Paul Besset, un autre de ses compagnons de route. Il a toujours fonctionné comme un athlète de haut niveau. A l'instinct animal.»
Mais si, jusqu'ici, figurer dans la catégorie des «non-politiques» de ce gouvernement et n'être affilié à aucune force politique a pu lui garantir son étiquette de «vrai écolo» et, donc, lui assurer une bonne image dans l'opinion, beaucoup de ses anciens proches regrettent qu'il n'ait, comme le souligne l'un d'eux, «jamais su, à aucun moment, utiliser ce rapport de force». «Ce n'est pas un problème de psychologie mais de savoir-faire, ajoute-t-il. Nicolas ne se sert jamais des techniques politiques adéquates, ne s'est pas entouré de personnes solides dans son cabinet.» Ce que confirme Durand : «C'est sa part de responsabilité. Il n'a jamais voulu s'appuyer sur une force politique qui aurait pu l'aider». «Il avait une relation de confiance avec Emmanuel Macron et Edouard Philippe, croit savoir Besset. Mais le gouvernement n'a pas pris la mesure de l'immensité du sujet et lui s'est isolé. Et malgré sa forte réputation, il était terriblement seul.» Cette solitude et cette inexpérience politique lui ont d'ailleurs joué quelques mauvais tours.
Confidences au dessert
En 2011, lancé dans la primaire d'EE-LV face à Eva Joly, son entourage le surprotège de la presse jusqu'au congrès du mouvement en juin à La Rochelle. Lors d'un dîner organisé avec, tout d'un coup, trois tablées de journalistes, l'ex-animateur télé désormais plongé dans le grand bain s'y noie au moment du dessert en répondant spontanément à une question d'un journaliste sur «ce qu'il pense de Jean-Louis Borloo», ex-ministre de l'Ecologie sous Sarkozy. Sa réponse est trop franche, certains diront naïve : «Honnêtement… J'ai pensé pendant un court temps faire un tandem avec lui. Mais ce n'était pas envisageable, car je suis obligé de tenir compte de la culture d'Europe Ecologie-Les Verts. A ce stade, il est moins envisageable d'être avec lui que de faire un partenariat avec les socialistes. Mais on est à dix, onze mois de la présidentielle», déclare Hulot devant une assistance médusée.
Une dépêche AFP, une contre-attaque d'Eva Joly et un lâchage de la direction écolo plus tard et voilà Nicolas Hulot définitivement écarté de la course à l'investiture. A ses côtés à l'époque, Durand et Besset ne peuvent que constater ce côté imprévisible d'un responsable non préparé au monde politique. Ce mardi matin, Durand a regretté un «échec de l'écologie», rendant responsable un gouvernement qui n'a pas voulu suivre Hulot. Besset, a, lui, pris un «uppercut au foie» en l'entendant à l'heure du petit-déjeuner. Pour lui, cette démission spontanée est «la marque d'un homme imprévu, inattendu… L'échec d'un homme qui s'est confronté au réel et a finalement craqué». Un geste inattendu mais qui, finalement, lui ressemble beaucoup.