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Syndicats

A Matignon, le dialogue social reprend sur des bases tendues

Premier syndicat reçu par Edouard Philippe en cette rentrée, la CGT a déploré le manque d’engagement de l’exécutif, à l’aube de nouvelles négociations sur les retraites et l’assurance chômage.
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, mercredi après son entretien avec Edouard Philippe. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 29 août 2018 à 20h46

Ils s’étaient quittés, guillerets, mi-juillet, sur le perron de l’Elysée, persuadés que le président de la République était prêt à davantage les écouter. Six semaines plus tard, alors qu’ils doivent, à tour de rôle, rencontrer le Premier ministre, en présence des ministres du Travail et de la Santé, Muriel Pénicaud et Agnès Buzyn, pour discuter des chantiers de la rentrée, les partenaires sociaux font grise mine.

Lâchées dimanche dans le JDD par le chef du gouvernement, les annonces budgétaires sur le gel de certaines prestations sociales et des pensions de retraite n'ont pas aidé à réchauffer les relations entre les syndicats et l'exécutif. «Le gouvernement n'a pas l'air de comprendre qu'il y a un vrai mécontentement dans le pays», s'est agacé sur RTL Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, premier à avoir été reçu mercredi à Matignon. «Cela fait un an et demi que le Président parle de flexi-sécurité. On a vu beaucoup de flexi, la sécurité, on l'attend encore», a ajouté le cégétiste. Libération passe en revue les questions qui fâchent de cette rentrée sociale.

Quel est le but de ces rencontres ?

Selon la lettre d'invitation de Matignon, ces réunions «bilatérales» qui se termineront la semaine prochaine avec la venue de Laurent Berger, de la CFDT, visent à «tracer les contours du programme de travail de l'année à venir en matière sociale». Deux gros dossiers devraient principalement occuper les convives : une réforme de l'assurance chômage et une autre sur la santé au travail. L'exécutif veut poursuivre sa refonte du modèle social français. Mais aussi répondre à la colère des partenaires sociaux qui, au début de l'été, réclamaient en chœur un peu plus de place. Bon prince, pour rompre avec son image de fossoyeur du paritarisme, Emmanuel Macron va donc les laisser négocier sur certains sujets. Pas suffisant, selon le numéro 1 de la CGT. «La méthode n'a pas changé», dénonce-t-il, regrettant que le périmètre des échanges soit trop restreint.

Que veut mettre l’exécutif dans ses réformes ?

Les partenaires sociaux n’auront pas les mains totalement libres pour négocier. Loin de là. Et notamment sur l’assurance chômage, dossier rouvert par le Président début juillet. A la surprise générale car il était déjà au cœur du projet de loi de la ministre du Travail, adopté dans la foulée. Mais l’exécutif veut aller plus loin et lutter contre deux maux qui, selon lui, gangrènent notre système de protection contre le chômage. La «précarité», d’une part, autrement dit le recours abusif de certaines entreprises aux contrats courts (qui pèsent pour environ 40 % des dépenses d’indemnisation, selon l’Unédic). Et, d’autre part, la «permittence», c’est-à-dire le fait pour un demandeur d’emploi d’alterner de courtes missions de travail et des périodes de chômage indemnisées. Ce qui, selon l’exécutif, pourrait être un frein au retour à l’emploi. Pour venir à bout de ces biais, l’exécutif envisage, au grand dam du patronat, de mettre en place un bonus-malus sur les cotisations des entreprises (avec, à la clé, un surcoût pour les moins vertueuses), mais seulement si les partenaires sociaux ne trouvent pas de meilleur remède. En parallèle, il souhaite revoir les règles d’indemnisation. Autant de missions confiées aux partenaires sociaux, et pour lesquelles une «lettre de cadrage» leur sera remise dans les prochains jours.

Concernant la santé au travail, pour l’heure, syndicats et patronat n’ont pas encore été officiellement conviés à négocier. Là aussi, les échanges devraient être cadrés. Mardi, la députée du Nord Charlotte Lecocq (LREM) a remis un rapport à Matignon préconisant de simplifier le système en mettant en place un guichet unique et une seule cotisation. Autre objectif du gouvernement : faire baisser le nombre d’arrêts maladie.

Quelles sont les lignes rouges des syndicats ?

Le rapport Lecocq a été très fraîchement reçu par les organisations syndicales. Pour la CGT, il ne peut être qu'un «point de départ et non la finalité» des réflexions à mener sur la santé au travail. De son côté, FO a dénoncé une logique d'«étatisation au risque de déresponsabiliser les entreprises». Mais c'est sur le volet assurance chômage que les échanges devraient être les plus houleux, nombre de syndicats étant opposés à toute baisse des droits des allocataires. Ce que le Medef risque de mettre sur la table…

Et celles du patronat ?

De passage mardi à l’université d’été du Medef, le Premier ministre a réussi à dégonfler quelques inquiétudes en écartant – pour l’instant – une prise en charge d’une partie du financement des arrêts maladies par les entreprises. Mais d’autres incertitudes demeurent, tel le bonus-malus pour les entreprises ayant recours à des contrats courts, contre lequel le Medef s’oppose avec constance. Un entêtement qui, déjà en 2016, avait conduit à l’échec des négociations.

photo Marc Chaumeil pour «Libération»