Evitons le complotisme : non, il n’existe pas de gouvernement invisible qui tirerait dans l’ombre les ficelles de la politique gouvernementale au profit des puissances occultes de la finance et de l’industrie. Oui, chaque profession, chaque branche, chaque intérêt particulier a le droit de faire valoir ses arguments auprès de la puissance publique, à qui il revient d’en prendre et d’en laisser, selon l’idée qu’elle se fait de l’intérêt général. Pourtant, les accusations portées par Nicolas Hulot - ou par Yannick Jadot et Delphine Batho - contre la puissance des lobbys hostiles à l’écologie méritent réflexion. Dans la compétition des influences, les lobbys économiques, en comparaison des syndicats ou des ONG, disposent de moyens très supérieurs à ceux de leurs concurrents. Professionnels chevronnés, communicants dédiés, stratégies subreptices, osmose avec le petit monde des ministères, experts juridiques capables de rédiger eux-mêmes les projets de loi, cabinets d’avocats agressifs et surpayés : l’arsenal et les sommes déployées par certains groupes pour orienter l’action publique font froid dans le dos. Les exemples que nous détaillons montrent que leur efficacité est redoutable. A cela s’ajoute un paradoxe pernicieux. En s’ouvrant à la société civile, intention d’apparence louable, le macronisme s’expose à un effet pervers. Il pourrait bien, au bout du compte, être plus perméable à ladite société qu’un gouvernement d’hommes et de femmes politiques classiques. Chaque ministre «technicien» apporte avec lui les préjugés, les habitudes, les égoïsmes aussi de son milieu professionnel d’origine. Parfois cela permet de mieux en déjouer les pièges. Mais souvent cela implique une solidarité spontanée, une certaine complicité avec les groupes d’intérêts. C’est cela aussi que Nicolas Hulot a voulu dénoncer. A-t-il forcément tort ?
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