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Nucléaire

Le rapport pro-EPR n'a «aucunement joué» dans la démission de Hulot

Hulot, et après ?dossier
Selon nos informations, l'ex-ministre de la Transition écologique ne s'est pas formalisé plus que cela du rapport recommandant la construction de six nouveaux EPR à partir de 2025, tant il l'a trouvé «caricatural». Et il avait fait acter au Président que deux scénarios soient mis sur la table quant à l'avenir du nucléaire.
Au sujet de l'EPR de Flamanville, Bruno Le Maire préconisé d’attendre que sa construction soit achevée avant de prendre la décision d’en bâtir d’autres. (Photo Charly Triballeau. AFP)
publié le 30 août 2018 à 19h08

Le rapport préconisant la construction de six nouveaux EPR à partir de 2025, dont les Echos ont révélé les grandes lignes mercredi soir, n'a «aucunement joué» dans la décision de Nicolas Hulot de démissionner, tant le désormais ex-ministre l'avait jugé «caricatural», a-t-on appris jeudi de source sûre. Ce document commandé au printemps par son ministère de la Transition écologique et solidaire et celui de l'Economie, Hulot l'a «parcouru très vite et immédiatement mis à la poubelle, d'ailleurs personne n'a pris ce scénario au sérieux, tellement il était caricatural», ajoute la même source.

«Plus les moyens»

Toujours selon cette source, le projet de PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie, un texte majeur qui doit mettre en musique la loi de transition énergétique de 2015 pour les périodes 2018-2023 et 2024-2028), ne mentionnait pas la construction de nouveaux EPR, que souhaite pourtant ardemment EDF«Même les plus nucléocrates se rendent compte qu'on n'a plus les moyens de le faire, pour l'instant. On n'a même pas mis en marche l'EPR de Flamanville», dit-on dans l'entourage de Nicolas Hulot. Le projet de PPE ne mentionnait pas non plus le rapport en question préconisant la construction d'un premier lot de six nouveaux EPR à compter de 2025.

Rédigé par un ancien administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et un ex-délégué général à l'armement, ce rapport était censé éclairer le gouvernement sur «le maintien des capacités industrielles de la filière nucléaire en vue de potentielles nouvelles constructions de réacteurs». Mais le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, que l'on ne peut pas accuser d'être un antinucléaire, a lui même indiqué jeudi que «ce n'est pas un rapport qui décide de la politique du gouvernement». Et préconisé d'attendre que cet EPR, en construction dans la Manche (qui multiplie les déboires et dont le coût a plus que triplé par rapport au budget initial pour atteindre 10,9 milliards d'euros), soit achevé avant de prendre la décision d'en bâtir d'autres. «Est-ce qu'il faut construire de nouveaux EPR ? Ce sera au président de la République et au Premier ministre de décider. Je rappelle qu'il y en a un qui est en construction. La sagesse recommande déjà d'attendre que l'EPR de Flamanville soit achevé avant de prendre des décisions», a déclaré Le Maire sur Radio Classique. Soit, donc, pas avant 2020.

Stockage d’énergie et baisse massive de la consommation

Toujours selon notre source, Nicolas Hulot avait fait acter à Emmanuel Macron que deux scénarios seraient posés sur la table quant à l'avenir du nucléaire, dans le cadre de la PPE. L'un prévoyait de ramener la part du nucléaire dans le mix électrique français de 75 % aujourd'hui à 50 % en 2035 (au lieu de 2025, comme le prévoit pourtant la loi de 2015), «et on en restait là».

L'autre scénario laissait la porte ouverte à la possibilité d'aller plus loin, d'être plus ambitieux, et donc d'avancer cette échéance. A condition de démontrer qu'il était faisable de développer fortement le stockage d'énergie (qui permettrait de résoudre le problème de la variabilité du solaire ou de l'éolien) et de faire baisser «massivement» la consommation énergétique, ce qui constitue le premier pilier, clé, de la transition énergétique. Sur ce point, Nicolas Hulot nous avait confié début août être en train de négocier «beaucoup» pour renforcer les ambitions gouvernementales sur la rénovation thermique des logements, un levier essentiel, préconisant notamment la mise en place d'une obligation de rénovation au moment d'un changement de propriétaire et la mise à disposition de moyens financiers conséquents.

Enfin, l'ex-ministre avait aussi obtenu cet été un «accord de principe» en haut lieu : les réacteurs qu'il faudrait fermer pour parvenir à ce mix électrique de 50 % seraient bel et bien nommés dans la PPE, même si cela n'avait pas encore été arbitré par Matignon. Nicolas Hulot n'était donc pas certain qu'il obtiendrait gain de cause.