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Libération
Éditorial

Funambule

publié le 2 septembre 2018 à 20h16

Les historiens du macronisme se pencheront peut-être un jour sur Jean-Michel Blanquer comme des paléontologues sur leurs fossiles… Alors qu’Emmanuel Macron creuse chaque jour un peu plus le fossé qui sépare sa politique de ses promesses de campagne, le ministre de l’Education nationale s’évertue à l’occasion de sa seconde rentrée des classes à coller au «en même temps» initial du Président. Plus qu’aucun autre de ses collègues du gouvernement, Jean-Michel Blanquer incarne ce funambulisme originel. Il le fait qui plus est avec talent. La preuve : le ministre de l’Education nationale mène ses réformes sans s’attirer les foudres des profs. Leurs syndicats certes râlotent, mais le ministre déroule son programme avec, dans la main gauche, le dédoublement des classes de CP en zones difficiles, dans la main droite, une posture pédagogique conservatrice. Entre louanges un jour de la bonne vieille dictée d’antan et éloges le lendemain des neurosciences, Jean-Michel Blanquer navigue comme un poisson dans l’eau entre l’ancien et le moderne. Fin connaisseur du système, politiquement habile, il tire les bords de sa révolution scolaire pour l’instant sans dessaler. Il a mis par exemple cette rentrée sous le signe de l’évaluation à tous les étages ou presque. Qui peut prétendre que c’est une mauvaise idée d’évaluer un système éducatif qui représente le premier budget de l’Etat et dont les résultats sont année après année décriés, notamment dans sa capacité à réduire les inégalités culturelles et sociales ? En même temps, d’aucuns redoutent dans les salles des profs ou les cercles d’experts de la chose scolaire que derrière cette volonté de bon sens se cache une vision libérale de l’école, qui serait soumise à son tour au culte de la performance et de la concurrence. Une révolution silencieuse mais très macronienne.