Ainsi donc la réforme orthographique que la Belgique a annoncé lundi pourrait déclencher une polémique en France. On dira que les Wallons changent la langue des Français sans les avoir consulté. Mais on pourrait aussi rappeler les occasions de simplifier son orthographe que la France a déjà manqué ?
Trois phrases, trois fautes pour ce début d'article : dans chaque cas, il fallait accorder le participe passé avec le complément d'objet direct, puisque celui-ci était placé avant le verbe. Crime de lèse-langue ? Les Belges, le peuple de la Gaule le plus courageux selon César, en a décidé autrement. Un courage qui serait bienvenu de ce côté-ci de Quiévrain. Certes, l'accord du participe passé est un monument bien français, à l'égal des escargots à l'ail, des ponts du printemps et des rosettes de la Légion d'honneur. Certes, personne ne plaidera pour une réforme orwellienne qui transformerait le français, sous prétexte de simplification, en volapük phonétique (fonétic ?). Mais le temps perdu par les professeurs à expliquer une règle que rien ne justifie (sans parler de l'accord des verbes pronominaux, qui comporte quelque 24 exceptions dans le Bescherelle…) serait mieux employé à des parties du programme plus importantes. Rallumer la «guerre du nénufar» qui avait ensanglanté le pays du temps de Michel Rocard ? Non : faire évoluer le français, qui n'est pas une langue morte, en tenant raisonnablement compte de l'usage, c'est la voie de la sagesse. Les barbons de l'Académie feront rempart de leur corps en oubliant que leur institution a naguère modifié le vocabulaire par centaines de mots sans que les vestales du beau langage en prennent ombrage. Toujours la même querelle de l'identité, qui néglige volontairement un fait essentiel : les identités les plus solides sont celles qui évoluent. Quitte à sacrifier ces participes qu'on aura heureusement dépassés.