Au bout du fil, David Cormand marque une pause : «Pouuuuf, je ne sais pas trop quoi vous dire.» Puis, le secrétaire national d'EE-LV, pas très emballé par la nomination du nouveau ministre de la Transition écologique, se lance : «Il y avait des profils plus mobilisés que lui sur les questions écolos, ça ressemble à un choix d'opportunité car ce n'est pas Rugy qui est nommé à l'Ecologie mais Richard Ferrand qui le remplace au perchoir…» Une autre tête écolo au téléphone : «Franchement, après l'échec de Nicolas Hulot, je ne vois pas comment Rugy peut bousculer les choses et, surtout, je ne comprends pas pourquoi Macron nomme un écolo qui ne représente rien pour les Français ! Je lui souhaite bon courage mais je reste très pessimiste.»
Encore un appel, un autre interlocuteur, et toujours la même tonalité.
Corbeille
Pas un hasard : les dirigeants d'EE-LV maîtrisent leur sujet. François de Rugy est un ancien de la maison. Après avoir adhéré en 1991 à Génération Ecologie, le Nantais rejoint les Verts en 1997, à 24 ans. Il est élu pour la première fois aux législatives de 2007, puis réélu en 2012. Peu connu du monde médiatique, le nouveau ministre de l'Ecologie apparaît en grand sur les écrans le 27 août 2015, à La Rochelle, pendant la rentrée des socialistes, lorsqu'il annonce son départ surprise d'EE-LV. Le député dénonce la «dérive gauchiste» de sa famille politique et rallie le groupe socialiste à l'Assemblée nationale. Il s'est même présenté lors de la primaire organisée par le PS avant de mettre à la corbeille sa promesse de soutenir le vainqueur Benoît Hamon et de tomber dans les bras de Macron. Cormand commente sa trajectoire : «C'est un tacticien opportuniste qui a fait du mal à EE-LV, il a voulu abîmer le parti qui lui a permis d'être élu. Sa seule constance ? Il a toujours été un écolo de centre droit.»
Son étoile s'illumine en septembre 2017. A 43 ans, François de Rugy devient un personnage important : président de l'Assemblée nationale. Une opportunité inespérée pour lui quelques années plus tôt. Un cadeau tombé du ciel. Il s'était positionné pour récupérer un poste de ministre pendant le quinquennat de François Hollande. Mais il ne s'était jamais imaginé «quatrième personnage de l'Etat». Nouveau poste rime avec nouvelle vie : il change d'adresse, un peu de look et rencontre un nouvel amour, Séverine Servat, journaliste chez Gala.
«Apparences»
Au Palais-Bourbon, l’ambiance est différente. Tout en haut de son perchoir, il se retrouve coincé entre deux feux.
L'opposition d'un côté, qui lui reproche de ne pas défendre l'institution. Sa présidence est marquée par de nombreux conflits avec des députés, notamment ceux de La France insoumise. Jean-Luc Mélenchon le surnommait «un tout petit président de l'Assemblée». Quelques minutes après l'annonce de sa nomination, le chef des insoumis a déclaré : «Le président de séance qui a planté l'amendement contre le glyphosate à deux heures du matin devient ministre des apparences écologiques.»
De l’autre côté, la majorité ne l’a jamais vraiment adopté. Des mots durs à chaque fois qu’il tournait le dos. Résultat : le Président met de l’ordre. Il ouvre une belle porte à François de Rugy. Et il peut placer un de ses proches au perchoir.
Un écolo qui connaît «très bien» le nouveau ministre se désole : «Tout le monde est gagnant sauf l'écologie !» Pour mettre fin aux doutes, il pourrait se montrer de nouveau offensif en remettant sur la table ses anciens combats contre le nucléaire et le diesel… Comme en janvier 2017, lorsqu'il déclarait : «Macron, je ne sais pas quel est son programme pour l'écologie. Quand il était ministre de l'Economie, non seulement il n'allait pas dans le sens de l'écologie, mais il était plutôt sur l'ancien monde.» Sa mission est très grande et la pente très raide.