D'abord, les faits : Art Maniak, une jeune galerie parisienne qui expose de la BD, annonce offrir ses cimaises du 13 au 22 septembre à un auteur dont la provocation d'ultradroite (une présentation a minima) est le fonds de commerce. L'invitation fait polémique sur les réseaux sociaux, où nombre de personnes jugent qu'il s'agit là d'une tribune trop belle offerte à des idées nauséabondes. Le galeriste et l'auteur se ravisent et annulent tout le 2 septembre. Et voilà que Valeurs actuelles et le Figaro crient à la censure. L'auteur, dont on se serait bien gardé de parler pour les qualités de son dessin, s'appelle Marsault. Il travaille pour les éditions Ring, dont Libé a déjà documenté les accointances avec l'extrême droite. Marsault, donc, est présenté par Valeurs actuelles comme le vengeur d'une France «tuée par la télé-réalité, l'écriture inclusive et les chars de la techno-parade».
L'outrance vulgaire de ses albums, à des kilomètres des Gotlib, Reiser et Coyote dont Marsault se réclame, tape sur tout le monde ou presque. Mais un peu plus sur les femmes, les homosexuels et tout ce que la fachosphère peut désigner sous l'étiquette fleurie de «gauchiasse». Crâne rasé, tatouages et pose de bad boy, il aime se présenter comme «sans filtre».
«Les néonazis de mon lectorat ne me dérangent pas, pas plus que les communistes ou les végans», disait-il à Planète BD (on passe sur les blagues à propos de Hitler et d'autres dictateurs trop marrants). Mais lorsque quelqu'un évoque le fait que ses dessins sont régulièrement repris par Fdesouche ou d'autres sites aux sympathies brunes, l'homme parle de «réappropriation», et se dit «apolitique», comme les enfants se protègent à coups de miroir magique. S'il ne partage pas les idées de Marsault, le responsable d'Art Maniak, Clément Gombert, était-il conscient qu'en l'exposant, il lui offrait une légitimation culturelle ? «Vraiment pas. C'est une erreur, mais je ne m'étais pas renseigné sur les idées de cet auteur. Mais, de toute façon, les opinions politiques ne m'ont jamais intéressé.»