Libération a passé une journée sur la ligne 801 Paris-Bruxelles des cars FlixBus.
7 h 40 Gare routière Bercy-Seine
Dans le parking couvert, une majorité de bus vert et orange s'alignent devant des arcades. Des voyageurs affolés tentent de trouver le bon quai. «C'est même pas affiché !» se plaint une jeune femme qui court derrière le sac Quechua de son compagnon. A côté de son véhicule, le chauffeur de la ligne 801 Paris-Bruxelles vérifie les billets en fumant une cigarette. Jovial, il a un mot pour chacun, et un fort accent belge : «Bon voyage Nicolas !», «Il faut sourire Madame!» On est bien tombé : le chauffeur d'à côté fait comprendre en grognant à des passagers désemparés qu'il n'est pas un «agent d'information». D'un coup de tête, il désigne une direction et retourne à son portable. La ligne 801 est très fréquentée : presque toutes les places sont occupées.
8 h 31 Arrêt à Roissy-Charles-de-Gaulle
Les dernières places vides sont remplies par des passagers anglophones - l'occasion pour le chauffeur de montrer qu'il se débrouille en anglais. Rapidement, le bus redémarre à travers le dédale d'hôtels et d'entrepôts de l'aéroport. Trois filles racontent leurs vacances. Guillaume émerge de son sommeil. Etudiant à Bruxelles, il fait l'aller-retour fréquemment à Nantes, où vit sa copine. Il choisit ce mode de transport «pour des raisons économiques mais aussi écologiques : le train, c'est trop cher et l'avion trop polluant. Beaucoup de jeunes sont comme moi. Ça ne nous dérange pas de faire la route de nuit, et on peut s'y prendre au dernier moment».
9 h 55 Pause douane
La frontière belge est encore loin quand le car s'arrête sur une aire. Alors que les passagers sont prêts à se lever, les portes du car s'ouvrent et laissent apparaître deux malabars en uniforme : ce n'est pas une pause pipi, c'est la douane. La main sur leur arme, ils circulent dans l'allée, vérifient les titres d'identité, interrogent les voyageurs : «Pourquoi allez-vous à Bruxelles ? Famille ? Vacances ?» Le chauffeur, sorte de factotum du bus, en profite pour changer le papier des toilettes : «La douane contrôle environ un trajet sur trois et ils ne vérifient même pas les soutes.»
12 h 25 Gare de Bruxelles-Nord
Le chauffeur prévient: «Attention les abords de la gare ne sont pas très sûrs.» Pas de quoi inquiéter Victor : «En transit à Bercy, vers 4 heures du matin, j'avais sympathisé avec deux filles qui n'étaient pas très rassurées. On a échangé nos contacts et on se voit toujours. En fait, le bus est un endroit convivial où les gens se parlent à partir du moment où il y a un problème.»
14 heures Départ de Bruxelles, retour à Paris
Il y a du monde sur l'autoroute, et le nouveau chauffeur est du genre nerveux. Plusieurs fois, il a freiné brusquement, mais là, il vient de piler sur l'autoroute et de réveiller la plupart des passagers. Jurons dans la barbe et grands coups de klaxon. Cet incident en rappelle un autre à Martin. Au cours d'un Montpellier-Paris, dans une agglomération, son car avait été bloqué par une voiture mal garée dans un virage un peu serré. «Il a essayé de passer deux fois, et puis il a littéralement poussé la voiture sur le trottoir avec son car !»
18 h 10 Paris-Bercy
Le bus retrouve une gare bondée, où les voyageurs, toujours aussi affolés, se mêlent aux badauds. Devant la boutique FlixBus, la file s'étire. Un homme et sa fille attendent depuis une demi-heure. «On préfère le guichet, on est étrangers, on ne prend pas le billet sur Internet.» Leur voisin, un Marocain, approuve. Un peu plus loin, indifférent à la cohue, un homme à l'accent prononcé est assis sur un banc. «Je ne prends pas de bus, je suis là, j'attends.» Il semble trouver un certain plaisir à observer la foule bigarrée qui peuple la gare, faite de jeunes sans le sou, de réfugiés, de gens humbles qu'on croise peu dans la gare SNCF de Bercy, pas très loin.