Une de moins. Jeudi en début d'après midi, l'ambition de la présidente La République en marche (LREM) de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet, de devenir, en succédant à François de Rugy, la première présidente de l'Assemblée nationale de l'histoire de la Ve République, a fait long feu. Dans un communiqué, la députée des Yvelines - que beaucoup de Français ont découverte lorsqu'elle a présidé au début de l'été la commission d'enquête de l'Assemblée sur l'affaire Benalla - a officialisé le retrait de sa candidature à l'investiture des députés LREM lundi. Et annoncé son «choix personnel» de voter en faveur du chef de file de la majorité à l'Assemblée, Richard Ferrand, plus favori que jamais pour obtenir sa place sur le perchoir.
Recadrage. Le revirement est brutal. Sortie du bois mardi, Braun-Pivet avait adressé à ses collègues parlementaires une punchline très macroniste : «Nouveaux visages, nouveaux usages, telle est la dynamique qui nous a portés jusqu'ici et qui doit continuer à nous animer.» Interrogée jeudi matin sur RTL, l'élue macroniste se montrait offensive. Naïveté ? Inconscience ? Interrogée sur l'image que renvoie Ferrand, compagnon de route du chef de l'Etat, la députée sortait les griffes : «Il n'incarne pas le renouvellement promis par Emmanuel Macron.»
La phrase de trop. Dans l'entourage de Ferrand, comme dans celui du chef de l'Etat, on n'entend pas laisser dire. Le recadrage de celle dont la gestion de la commission Benalla avait passablement indisposé le sommet de l'Etat ne tarde pas. «Qu'est-ce qu'incarner le renouvellement si ce n'est en être le premier acteur ? Richard Ferrand a construit et porté le renouvellement que nous incarnons collectivement, mené un groupe paritaire et accordé sa confiance aux "primo-députés" dans la prise de responsabilités !» cingle peu après sur Twitter la députée de Paris et membre du bureau exécutif de LREM, Laetitia Avia.
En butte à la vindicte des siens, Braun-Pivet bat en retraite. «Ma candidature n'a jamais été celle d'une ambition personnelle. La finalité de l'action sera toujours plus importante à mes yeux qu'un poste ou un statut.» Avant de rendre les armes, annonçant se rallier officiellement à Ferrand dont elle partage le «souhait de réformer profondément le règlement de notre Assemblée».
Parité. Braun-Pivet hors jeu, ils ne sont plus que quatre à prétendre à l'investiture de la majorité pour la présidence de l'Assemblée : deux hommes - le député du Finistère Richard Ferrand, et celui du Tarn Philippe Folliot - et deux femmes. D'abord, la présidente de la commission du développement durable, Barbara Pompili, auteure d'un récent rapport critique sur la sûreté nucléaire et soutenue par plusieurs députés de sensibilité écologiste. Mais aussi la députée de l'Isère Cendra Motin, qui a beaucoup travaillé sur la réforme du prélèvement à la source de l'impôt. Ancienne dirigeante d'une entreprise de ressources humaines, aujourd'hui membre de la commission des finances, cette ex-vice présidente de l'Assemblée surfe elle aussi sur le thème du «renouveau». En apparence au moins, la parité est respectée.
Alors qu’une candidature féminine unitaire aurait pu inquiéter Ferrand, le scrutin interne qui doit se tenir lundi pour désigner le favori de LREM pour le perchoir s’annonce fort confortable pour ce proche du chef de l’Etat. Dès sa candidature formalisée, mardi, les chevau-légers de la macronie, à l’instar du questeur Florian Bachelier ou du porte-parole du parti présidentiel, Gabriel Attal, sont entrés en campagne à ses côtés, aiguillés en sous-main par l’Elysée. Une offensive concertée qui laissait dès le départ peu de doute sur l’issue du vote des députés LREM réunis lundi à Tours.
Chance. Pour Emmanuel Macron, qui surveille de près la redistribution des cartes à l'Assemblée, l'afflux de candidatures féminines était, de fait, embarrassant. Lui qui, durant la campagne présidentielle, n'avait cessé de se plaindre du manque d'engagement des femmes, manœuvre aujourd'hui ses troupes pour que toutes soient éconduites… De quoi jeter le trouble sur sa volonté politique de promouvoir la parité, grande cause nationale ou pas. Le paradoxe n'a pas échappé aux huiles de la macronie. Le perchoir étant fléché sans appel, la question du remplacement de Ferrand à la tête du groupe LREM est du coup plus ouverte. Pour ce poste-là, l'appel à candidatures n'a pas encore démarré. «Les postulants pourront officiellement se manifester lundi après l'élection de notre candidat : de cette façon, on laisse à tous les perdants du scrutin la possibilité de postuler à la présidence du groupe», précise un cadre de la majorité. Le sous-texte est limpide : à défaut du perchoir, les femmes qui prétendraient à la succession de Ferrand à la tête des députés LREM ont leur chance.
Pressenti pour occuper le poste, le député de Paris Gilles Le Gendre pourrait devoir s'incliner. «Il reste le candidat naturel», tempère un ténor de la majorité. Un autre renchérit : «Une femme pourquoi pas ! A condition qu'elle sache "manager". Diriger et animer un groupe de plus de 300 députés suppose du tempérament et du doigté…» Chez les parlementaires LREM, les femmes ont reçu le message cinq sur cinq. La députée de Paris Laetitia Avia, la vice-présidente du groupe, Coralie Dubost, la porte-parole, Aurore Bergé, auraient déjà discrètement fait part de leur intérêt. D'ici au vote interne qui décidera le 18 septembre du nom du nouveau chef de file des députés LREM, la liste promet de s'allonger.