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Libération
Éditorial

Echelle

publié le 12 septembre 2018 à 20h56

Contrairement à une idée répandue, la politique sociale n'est pas vaine dans notre pays : le taux de pauvreté en France est l'un des plus bas d'Europe et l'inégalité de revenus a tendance à se resserrer légèrement depuis cinq ans. Autrement dit, le «pognon de dingue» (dixit Emmanuel Macron) dépensé en prestations sociales n'est pas inutile. Ce qui rend d'autant plus urgent l'effort supplémentaire que l'Etat doit consentir pour lutter contre ce fléau : l'action sociale est à la fois efficace et insuffisante. Il y a encore 9 millions de pauvres répertoriés en France, dont 3 millions d'enfants. Quelque 20 % des Français estiment avoir du mal à s'alimenter sainement, plus de 40 % à partir en vacances tous les ans, un tiers à financer leurs dépenses de santé. Action urgente…

Faut-il s'inquiéter ? Le président de la République a livré en juillet dernier sa philosophie en la matière : l'émancipation individuelle. Il faut renforcer l'égalité des chances pour donner à chacun la possibilité d'échapper à son destin de classe. Louable souci. Mais qui laisse un problème entier : à moins que tous les pauvres, à courte échéance, réussissent à se hisser dans la classe moyenne grâce aux mesures prises, on doit craindre qu'il en reste beaucoup en bas de l'échelle sociale. Faut-il se contenter d'aider chacun à gravir les barreaux, ou bien s'efforcer aussi de réduire la distance entre lesdits barreaux ? Autrement dit, ne doit-on pas se fixer aussi comme objectif d'assurer à tous les citoyens, les moins fortunés en particulier, les moyens de mener une vie digne, même s'ils ne sortent pas de leur condition ? Point de procès d'intention dans cette interrogation : on jugera sur pièces une fois les annonces rendues publiques. Mais la rhétorique des «premiers de cordée», solennellement proclamée, fait naître, à tout le moins, un doute philosophique…