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Interview

Eric Heyer :«Réformer le code du travail ne va pas faire baisser le chômage»

publié le 12 septembre 2018 à 20h26

Dans Une autre voie est possible, son nouveau livre paru mercredi chez Flammarion et cosigné avec la sociologue Dominique Méda et le juriste Pascal Lokiec, Eric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), propose des mesures pour «bifurquer» vers un autre modèle.

Vous dites que le chômage n’est pas une fatalité…

Le problème du chômage en France n’est pas lié au marché du travail - ce dernier fonctionne d’ailleurs relativement bien - mais aux performances économiques. Tant que ces dernières ne seront pas suffisantes, les entreprises n’auront pas besoin d’embaucher davantage. On a eu envie de renverser la problématique et de dire que ce n’est pas en réformant le code du travail que l’on va faire baisser le chômage, mais en faisant en sorte que l’activité progresse.

Avec sa réforme du code du travail, la France a donc fait fausse route…

La voie qu’on nous promet n’est pas nouvelle. C’est l’idée que pour faire face à la globalisation, il faut lever tous les freins à la compétitivité des entreprises, et donc rogner sur la protection sociale, sur le code du travail. Ces politiques permettent certes d’avoir une croissance, mais elles reposent sur une mauvaise répartition des richesses. Elles provoquent donc une surabondance d’épargne d’un côté, et un manque de consommation de l’autre. Ce qui pousse à la formation de bulles liées au surendettement des foyers modestes. C’est donc un modèle de croissance instable, qui par ailleurs suscite un net rejet des populations comme on l’a vu avec le Brexit et l’élection de Trump.

Que faut-il faire au niveau européen ?

Les règles budgétaires actuelles ne fonctionnent pas. Nous proposons que les Etats soient contraints d’être à zéro déficit sur un cycle économique, mais uniquement sur les dépenses de fonctionnement. On sort donc les investissements structurels. Par exemple, les dépenses d’éducation sont des investissements d’avenir, et c’est normal que les générations futures payent pour cela, au travers des intérêts. Même chose pour l’environnement.

Il faut, dites-vous, mieux protéger l’emploi. Mais comment ?

On se réfère toujours au modèle de flexisécurité. Or pour que ce modèle fonctionne, il faudrait augmenter l’accompagnement des chômeurs, la formation.

C’est ce que le gouvernement assure faire…

Dans les faits, ils ne le font pas vraiment pour des raisons budgétaires. Les pays scandinaves dépensent quatre fois plus par chômeur que nous… En France, on fait plutôt l’inverse, on fait la chasse aux chômeurs qu’on accuse de profiter du système.

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