Ferdinand Lop exigeait naguère «l'extinction du paupérisme tous les soirs après 22 heures». Emmanuel Macron propose «d'éradiquer la grande pauvreté en une génération». C'est un réaliste… A vrai dire, et plaisanterie mise à part, le «plan pauvreté» qu'il a longuement détaillé jeudi matin a peu de chances d'aboutir à l'objectif fixé : 8 milliards sur quatre ans, la somme dégagée n'est pas à la hauteur de l'ambition. Mais il ne mérite pas non plus l'indignité dont le taxent certains opposants. Les mesures annoncées sont ciblées et bénéfiques. Il est juste de prendre le problème à la racine et de prévoir une action correctrice dès la petite enfance. Le quintuplement de la «garantie jeunes», instaurée sous François Hollande et qui a fait ses preuves, facilite l'entrée dans la vie. La simplification des aides peut encourager ceux qui y ont droit mais qui ne les demandent pas. En revanche, l'annonce de l'instauration d'un «revenu universel d'activité» joue quelque peu sur les mots : ce revenu n'est pas universel, puisque distribué sous conditions de ressources. Ce qui traduit tout de même un progrès, à la condition qu'il bénéficie effectivement, comme un filet général de sécurité, à tous ceux qui sont sans moyens. La vraie critique est plus large. C'est celle qu'Olivier Faure, chef du Parti socialiste, a assénée de manière virulente : par sa politique fiscale et par la modulation de certaines prestations, Macron laisse intactes les inégalités en général, qui forment le cadre de la grande pauvreté. Peut-on être à la fois président des riches et des pauvres ? La promotion de l'égalité des chances, clé de lecture du plan Macron, tourne court si les inégalités de départ sont trop importantes. On veut mettre tout le monde sur la même ligne de départ. C'est un progrès. Mais certains ont un sac de pierres sur le dos. Pour l'alléger, il faut une société moins inégale. C'est-à-dire moins libérale.
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