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Récit

Collomb : après la place Beauvau, retour à la place Bellecour

Affaire Benalladossier
Sur fond de tensions avec Macron, le ministre de l’Intérieur a annoncé mardi qu’il envisageait de quitter son poste pour préparer les municipales à Lyon.
Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, lors de son audition au Sénat dans le cadre de l’affaire Benalla, le 24 juillet. (Photo Corentin Fohlen)
publié le 18 septembre 2018 à 21h06

Nouveau coup dur pour Emmanuel Macron. Mardi, Gérard Collomb, rare politique madré dans l'entourage du Président, a officialisé son envie d'un ailleurs : «Je serai candidat à Lyon en 2020», indique-t-il dans un entretien à l'Express. Et de fixer son agenda de sortie : «Je pense que les ministres qui veulent être candidats aux municipales de 2020 devraient pouvoir quitter le gouvernement après la bataille européenne.» Une quasi-provocation.

«C'est difficile d'imposer le calendrier d'un remaniement au Président», admet un proche du ministre de l'Intérieur, qui a déjà commencé à faire ses cartons. Après un «petit effet de sidération», le message a été reçu cinq sur cinq au sein du ministère : pour tous, le bail du locataire de la Place Beauvau arrivera prochainement à son terme. «Comment expliquer aux Français qu'ils doivent faire avec un ministre à mi-temps pour assurer leur sécurité ? relève-t-on en interne. Ici, les directions ont besoin d'autorité pour fonctionner. En programmant son départ, Collomb ne peut plus espérer être respecté par une maison déjà plutôt difficile à tenir.»

L'air de rien, Collomb force donc la main de Macron. Le septuagénaire n'en a cure. Sur le fond, il se sait irréprochable. Jamais il n'a caché au chef de l'Etat son ambition de récupérer le fauteuil de maire qui fut le sien seize ans durant, de 2001 à 2017. «La question n'est pas de savoir si Gérard va se présenter aux municipales à Lyon, mais quand il va se décider à l'écrire», confiait récemment un de ses proches. Son fief, Collomb ne l'avait quitté que pour le maroquin dont il rêvait et que ses amis socialistes lui avaient toujours refusé. Depuis, il n'a pas chômé Place Beauvau, estime-t-il, entre transposition des dispositions de l'Etat d'urgence dans la loi ordinaire, et adoption de la loi asile-immigration.

Tuiles

Le 10 septembre, pendant qu'Edouard Philippe et des ministres festoyaient avec les parlementaires LREM à Tours, Collomb dînait, lui, avec le couple présidentiel. L'occasion de rappeler son intérêt municipal au chef de l'Etat. Lequel, pense-t-il, ne «peut rien refuser» à celui qui a mis son énergie et ses réseaux lyonnais comme nationaux au service de son ambition présidentielle. Pourtant, depuis l'affaire Benalla, les liens entre les deux hommes se sont distendus : auditionné par les parlementaires fin juillet, Collomb avait dû reconnaître son peu de maîtrise du dossier, avant de renvoyer la responsabilité des dérapages sur l'Elysée et le préfet de Paris. Macron avait modérément apprécié.

A ce premier coin s'en était ajouté un second. Le 6 septembre, alors que tuiles et maladresses s'accumulent entre démission de Nicolas Hulot et valse-hésitation sur le prélèvement à la source, Collomb fait la leçon à l'exécutif et regrette sur BFM TV un «manque d'humilité». Le soir du 10 septembre, l'explication entre le Président et son ministre est directe. Le 11 septembre le ministre cale son interview avec l'Express.

Si l'annonce de Collomb était attendue, le timing choisi par le ministre se révèle désastreux. «Faire cela le jour de l'annonce du plan santé et du déploiement de la police de proximité dans les quartiers, c'est consternant», déplore un proche du chef de l'Etat. Le signal politique envoyé par le ministre dessert un président dont la popularité s'effrite à grande vitesse. «Ce que dit Collomb, c'est qu'entre Macron et Lyon, il choisit Lyon, et que pour gagner Lyon, il lui faut prendre ses distances avec Macron…» s'inquiète un conseiller du gouvernement.

«Timing»

De fait, Macron, ce n'est plus vraiment le problème de Collomb. «Il place son timing de politique territoriale avant l'enjeu national», admet l'un de ses proches. Jusqu'à prendre de court les locaux de l'étape (lire sur Libération.fr). «Je ne pensais pas que cela se ferait aussi vite», indique Pascal Blache, maire divers droite du VIe arrondissement, également en lice pour la mairie de Lyon.

Depuis cet été, les ambitions de Gérard Collomb ne font pourtant plus de doute. Le 20 juin, le ministre de l'Intérieur avait annoncé la création d'une association «ouverte à la société civile, pour engager un dialogue sur l'avenir de la métropole», baptisée Prendre un temps d'avance, dont il doit être le président. Or «depuis six mois, c'est un festival au gouvernement, et ce n'est pas bon pour l'image de Collomb au niveau local, souligne Pascal Blache. Les gens lui disent qu'ils n'apprécient pas.» Pour le ministre, pas question de gâcher sa succession de «petits pas pour revenir», analyse de son côté Etienne Tête, conseiller municipal écolo. D'où l'officialisation de sa candidature à Lyon à dix-huit mois du scrutin. Quant à sa sortie du gouvernement, on ne croit pas plus à Lyon qu'au ministère qu'elle attendra les européennes. Il faut dire que le scrutin s'annonce plus compliqué que prévu pour la macronie.